« Cléandre, elle est à toi » dit Alidor en parlant d'Angélique. Cette réplique montre bien que c'est Alidor, l'homme, qui décide dans quels bras mettre Angélique, et donc avec qui elle va se marier, il décide de son destin. Dans La Place Royale, en plus de tracer le parcours d'un « amoureux extravagant », Corneille traite de la question des femmes, comme dans beaucoup de ses autres pièces, dans La Veuve par exemple. En une journée, le destin des deux femmes de la pièce, Angélique et Phylis, est complètement bouleversé ; en effet, la première, qui était destiné à Alidor, se retrouve au couvent, la seconde, qui affirmait sa liberté, doit se marier avec Cléandre. Si la « fille donnée en échange » semble bien correspondre au personnage d'Angélique, il faut voir, dans La Place Royale, en quoi l'homme décide toujours du destin de la femme, et dans quelle mesure.
[...] De plus, le cloître peut être un soulagement pour celui-ci, avec l'idée d'une Angélique restée intacte pour lui et grâce à lui. Corneille semble offrir aux femmes des possibilités de détachement, mais elles ne peuvent totalement s'émanciper du pouvoir qu'ont les hommes de maîtriser leur destin. Dans La Veuve, le sort des filles dépend de la famille. C'est une conception masculine de la femme qui ressort de ses comédies : Alidor représente l'idéal de virilité et d'autonomie de son temps. [...]
[...] Leur liberté est toujours limitée par le masculin, voilà qui rétablit l'ordre du monde. La vraie liberté est celle des hommes, comme le montre le personnage d'Alidor, celle de la femme ne peut être qu'intérieure par l'indifférence, mais c'est l'homme qui socialement, choisit le destin de la femme. Phylis passe ainsi du joug parental au joug marital. On peut la rapprocher du personnage de Doris, dont un critique dit tout comme sa légèreté, sa soumission est apparente, car elle se résout en une activité de révolte à la recherche de la liberté intérieure. [...]
[...] Rien que numériquement dans la pièce, les hommes (quatre et deux domestiques) sont supérieurs aux femmes, au nombre de deux. L'homme représente l'autorité, et la femme la soumission. Pour renvoyer à cette tradition misogyne, un critique dit : La considération, le respect pour la femme, ce sont là des idées que les personnages masculins de ces pièces ne sauraient pas même concevoir. Appartenant à un milieu qui s'efforce de se rapprocher de l'aristocratie et qui a déjà fait l'apprentissage de la vie mondaine, ces personnages n'ont pas encore fait l'apprentissage de la galanterie, de l'honnêteté, de la politesse Ainsi, Corneille dépeint l'ordre social de la société. [...]
[...] Plusieurs fois au long de la pièce, Angélique arrive à se faire sujet ; elle fait preuve de volonté, d'autonomie lorsqu'elle accepte de se donner en mariage à Doraste, elle le fait même par colère et soif de vengeance contre celui qui est responsable de son malheur. En acceptant l'enlèvement pour se débarrasser de Doraste, elle peut même apparaître comme opportuniste. Elle se refuse à Alidor lorsqu'il revient vers elle, elle choisit de se retirer au couvent, lieu des vrais plaisirs est-ce là encore une vengeance contre Alidor ? Celui-ci la perd, mais pas de la manière qu'il voulait, c'est comme elle l'a décidé. Ainsi, Angélique transforme l'abandon subi en séparation consentie, c'est peut-être ce qui l'élève au niveau de la grandeur de l'homme. [...]
[...] En tournant au comique ce désir de liberté, on peut penser que oui. Pourtant, comme le dit si bien un critique, on ne peut renverser l'ordre dans lequel on vit Voilà peut-être pourquoi il ne donne ni mère, ni servante aux femmes dans la pièce, qui pourraient les aider à prendre en main leur destin ; cette absence, laissant les deux femmes seules face à beaucoup d'hommes, empêche toute révolte. De plus, Corneille laisse les deux jeunes filles opérer chacune de son côté, elles ne s'entraident pas pour se libérer du joug des hommes. [...]
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