De nombreuses définitions de la poésie mettent l'accent sur son pouvoir agissant. De façon générale, le verbe grec « poïen » signifie fabriquer, créer, produire. L'étymologie montre que le poète fabrique un texte dans le but de piéger des émotions puisque « le poème est une sorte de machine à produire l'état poétique au moyen des mots » (Valéry, Variété V). Le poème est une construction, un agencement de mots, qui joue sur une organisation particulière de la langue dans un but précis : véhiculer un message. Le poème est donc, comme le définit J.M Maulpoix « un petit objet de langue porteur de sens ». Une question récurrente se pose alors, à laquelle Christian Doumet tente de répondre dans son œuvre, « faut-il comprendre la poésie » ? La question ne manque pas d'aplomb. Qui peut se vanter d'avoir élucidé le mystère d'un poème, d'avoir réussi à en extraire le sens, au détriment de la forme ? Ici, il ne s'agit pas de savoir « comment » comprendre la poésie mais de « faut-il » la comprendre. Le verbe « falloir » pointe un danger, celui que l'attention poétique fait peser sur le monde de la langue et sur le Monde. Mais il nous indique aussi une attitude à avoir face aux textes. Finalement, la compréhension serait-elle le but ultime de la poésie ? Si le poème « s'adresse à l'oreille, à la sensibilité, à l'œil » et qu' « entendre » est synonyme de « comprendre », la compréhension disposerait donc de bien d'autres canaux que ceux de l'intelligence cérébrale.
[...] Même la poésie moderne et contemporaine est restée tributaire des conventions. Néanmoins, elles ne sont plus considérées comme une norme externe que le poète doit absolument respecter. Elles sont désormais la résultante d'un choix personnel de la part de l'écrivain. Cependant, nous pourrions penser qu'en s'attachant trop à la forme, le langage du poème n'aurait plus de signification, ce qui n'est pas le cas. Selon Valéry, la poésie est l'ambition d'un discours qui soit chargé de plus de sens et mêlé de plus de musique, que le langage ordinaire n'en porte et ne peut en porter Le poème est un texte construit, donc qui fait sens, ce dernier étant le but du poème. [...]
[...] En poésie, il faut apprendre à voir, à entendre, à gouter, à être choqué Car les choses qui nous plaisent et dont on se souvient ce ne sont pas celles que l'on a comprises mais celles qui nous ébranlent profondément sans pour autant savoir pourquoi. [...]
[...] Ils travaillent le poème pour atteindre sa perfection canonique. La loi de la forme doit primer sur l'émotion. Le poème L'Art de Gautier, extrait D'Emaux et Camées devient l'un des plus célèbres crédos de la poésie parnassienne. Il y accorde le primat à la forme sur le message, à la technique sur l'inspiration : Oui, l'œuvre sort plus belle / D'une forme au travail/ Rebelle, / Vers, marbre, onyx, émail. / Point de contraintes fausses ! / Mais que pour marcher droit / Tu chausses, / Muse, un cothurne étroit. [...]
[...] Rien que leur dénomination de Rhétoriqueurs montre qu'ils entendent valoriser la technique. Leurs poèmes, fêtes du langage, sont extrêmement raffinés sur le plan formel, leurs recherches au niveau de la syntaxe sont très élaborées. Dans leurs textes fleurissent de nombreux jeux de mots, des rimes travaillées, tout cela mis au service d'un contenu banal et répétitif. Leur virtuosité technique est à mettre en relation avec la redécouverte des traités de rhétorique latine et des ressources de l'art oratoire. L'art des Rhétoriqueurs devient celui du paraître où les poèmes sont des champs d'expérience du langage. [...]
[...] Par contre les aspects sémantiques n'étaient pas abordés, la signification étant abandonnée [ ] et [restait] extérieure à toute préoccupation de structure (F. le Lionnais, le Second Manifeste in Oulipo). La poésie est avant tout un art du langage, comme le prouvent ces différents courants qui traversent toute l'histoire de la littérature, où la recherche du sens devient secondaire voire inexistante. Cependant dès qu'il y a production avec des mots, il y a production de sens. La question ne serait donc plus de savoir s'il faut ou ne faut pas comprendre la poésie. [...]
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