« Maintenant mon regard ne s'ouvre qu'à demi,
Je ne me retourne plus même lorsqu'on me nomme,
Je suis plein de stupeur et d'ennui comme un homme
Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi. »
C'est une lassitude profonde que l'on peut lire dans ce quatrain d'Hugo in « Veni, vidi, vixi » de ses Contemplations. Il évoque l'ennui et l'on sent comme une sorte de lourdeur et de fatigue dans ses vers. C'est le premier aspect que l'on donne le plus souvent à la mélancolie. Insatisfait du monde dans lequel il vit, le mélancolique attend du changement, souvent ce changement est la mort, comme on le voit dans la fin de ce même poème :
« Oh Seigneur ! Ouvrez moi les portes de la Nuit,
Afin que je m'en aille et que je disparaisse ! »
Hugo donne à la mélancolie un aspect de prostration, c'est selon lui un état d'immobilisme, on considère la forte différence que l'on ressort des questionnements d'Aristote dans le Problème XXX-I :
« Pourquoi tous les hommes qui se sont illustrés en philosophie, en politique, en poésie, dans les arts étaient-il bilieux, et bilieux à ce point de souffrir de maladies qui viennent de la bile noire...? »
Cette seconde forme que donne donc Aristote est liée à la création, au mouvement. Malgré qu'elle soit assimilée à la maladie, la mélancolie semble néanmoins ici le vecteur du génie créateur. C'est ainsi que dans sa Poétique Aristote écrit : « Il n'est point de génie sans un grain de folie. » Baudelaire dans ses poèmes évoque souvent la bile noire, ou le spleen, cet état de prostration qui annihile l'envie de travailler, pourtant c'est ce mal qui inspire le poète. L'angoisse de la page blanhe, les lamentations qui en viennent de ne pas pouvoir écrire, c'est cela même qu'est le sujet des poésies.
Néanmoins la mélancolie n'est pas qu'un état d'ennui ou de création alterné, elle est le début de plusieurs démences et doit être prise au sérieux, voici la définition que l'on trouve à l'article « Mélancolie » du Larousse Médicale :
« La mélancolie se rencontre dans la psychose maniacodépressive, au début de la schizophrénie, au cours d'affections neurologiques, endocriniennes ou lors de situations difficiles (ménopause par exemple). Elle se manifeste par une prostration, une angoisse extrême, un sentiment de faute et de damnation, un délire de négation de soi. »
Nous avions déjà parlé de prostration et d'angoisse, mais il faut bien voir ici le troisième aspect de la mélancolie lié au sentiment de damnation et de négation de soi.
La mélancolie a inspiré la création de nombreuses figures littéraires et ce dernier aspect de la mélancolie impose à notre esprit le Docteur Faust comme l'une de celles-ci. Faust, ou plus généralement le personnage faustien, recherche le nouveau et se damne pour s'élever au-dessus du genre humain. Il n'est pas sans intérêt de se demander dans quelles mesures Faust est un personnage mélancolique tel que nous l'avons décliné plus haut. Aussi dans un premier temps, nous nous intéresserons à l'angoisse et à la prostration chez Faust, puis au feu créatif et enfin nous terminerons nos recherches avec le sentiment de damnation et de culpabilité chez le héros faustien (...)
[...] Il faut noter que le combat d'Alexandre et Darius est bien transcrit dans les didascalies, comme on le trouve dans le théâtre baroque elizabethain. Faust amène ici comme une mise en abîme et joue le rôle du metteur en scène, en faisant jouer comme un spectacle devant l'Empereur. Ensuite, il devient comédien de farce, il fait pousser des cornes de cerf sur la tête de Benvolio qui s'est moqué de lui et l'a traité de charlatan. Faust est un sorcier qui se donne en spectacle, il est comme un illusionniste dans le fond, à la particularité du fait qu'il n'y a pas de trucage dans ses tours. [...]
[...] Chaque héros Faustien est amené à mourir, car le pacte est ainsi fait qu'il se clôture nécessairement par le trépas de l'homme. Baudelaire dans ses Fleurs du Mal évoque la Mort comme une source d'inspiration importante pour le poète, les derniers vers de son recueil qui se clôture sur le poème voyage sont très évocateurs : Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte ! Nous voulons tant ce feu qui brûle le cerveau, Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel qu'importe ? [...]
[...] Ils veulent du nouveau, créer, voir ou vivre quelque chose qui leur est inconnu encore ou du moins qu'ils ne peuvent qu'imaginer. C'est la mélancolie qui les pousse à réagir, en cela on peut dire qu'elle agit comme un vecteur vers la création et vers un idéal, ce sera le thème de notre seconde partie. Le Pacte et le choix de la Damnation dans le mythe Faustien est comme l'accord que fait Faust avec sa mélancolie afin d'atteindre son nouvel idéal. [...]
[...] -Et je vois bien que nous ne pouvons rien connaître ! Voilà ce qui me brûle le sang ! La locution il est vrai évoque, on peut le penser, une certaine désinvolture et un certains désintérêt de ce titre. Du moins on ne sent nulle gloire dans ces paroles, ni aucune fierté. On retrouve dans ce dédain des choses terrestres comme le topos du vanitas vanitatum, omnia vanitas vanité des vanités, tout n'est que vanité c'est-à-dire que Faust n'a pas d'attrait pour ce qui est à sa portée, ce qui est terrestre. [...]
[...] Et les rapides délices de Lamartine seront pour Faust, les recherches et le savoir occulte. Mais Faust a fait naître d'autres héros gravitant autour des mêmes thèmes, nous parlions de savoir occulte, dans Faust l'on remarque souvent que le Docteur avant d'invoquer le Diable fait référence à l'alchimie, de même qu'il trace sur le sol des symboles alchimiques non équivoques. Un personnage que l'on peut dire faustien sans crainte, développe plus encore ce thème de l'alchimie et c'est le héros de Mary Shelley : Victor Frankenstein. [...]
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