L'objet du fantastique n'est donc nullement le surnaturel en lui-même, ni même l'étrange mais le rapport de ces termes avec la réalité. Le fantastique occupe le lieu de l' « hésitation » entre réel et irréel, autrement dit, en littérature, entre réalisme et imaginaire. Il est le moment décisif où la narration – mais aussi le lien crée entre le lecteur et l'histoire - oscille. Ainsi, le fantastique interroge le rapport des notions et genre littéraires entre eux. Il devient donc un enjeu philosophique et littéraire incontournable
[...] Dans Le si Dino Buzzati présente un monstre effrayant qui terrifie la population depuis des générations, il lui confère des propriétés dignes du merveilleux (lorsqu'il indique par exemple que le jeune Stefano reste « médusé, « à l'extrémité de la jetée » le comparant ainsi à une victime de la Méduse de la mythologie), mais c'est pour mieux déconstruire ce merveilleux à la fin de la nouvelle, lorsqu'il dévoile les intentions en fait pacifiques du K. De même, dans Le Congrès, José Luis Borgès présente d'emblée son personnage principal de la manière suivante : « Je m'appelle Alejandro Ferri. Mon nom a une résonance guerrière, mais ni le métal de la gloire, ni la grande ombre du Macédonien [ . ] ne correspondent à l'homme modeste et grisonnant qui assemble ces lignes » (p. 21). [...]
[...] Dans ce contexte, quoi de plus marquant que le mélange d'une situation réelle et d'un élément étrange, perturbant, dont le but ultime est d'éclairer le lecteur sur un aspect de sa condition humaine ? C'est d'ailleurs ce que François Livi résume parfaitement lorsqu'il écrit, dans la postface du recueil « Le K » : « Le K [ . ] est un livre qui apprend au lecteur l'art difficile de déchiffrer le vaste et incompréhensible journal du monde. Le fantastique est un instrument d'optique qui corrige notre myopie". [...]
[...] Le fantastique, lui, penche bien davantage vers le réel que vers l'irréel. Et en effet, si l'on prend l'exemple de La Veuve Aphrodissia, il est certes vrai de dire que la nouvelle débute comme un conte merveilleux : la tournure impersonnelle « On l'appelait » (p.103) rappelle en effet l'autre tournure impersonnelle typique des contes merveilleux (« il était une fois »). Kostis y est d'autre part décrit comme une sorte d'être moitié surhomme moitié animal, vivant « terré dans la montagne » (p.103), faisant ainsi penser à un personnage mythologique caractéristique du merveilleux. [...]
[...] Ainsi, le fantastique interroge le rapport des notions et genre littéraires entre eux. Il devient donc un enjeu philosophique et littéraire incontournable. Nous nous demanderons dans un premier temps où se situe exactement le fantastique au sein des différents styles littéraires, en nous appuyant sur les recueils de nouvelles de José Luis Borges, Dino Buzzati et Marguerite Yourcenar. Nous analyserons ensuite en quoi la nouvelle fantastique interroge particulièrement le lecteur. * La frontière entre réel et irréel est bien plus clairement identifiée dans le cadre du merveilleux. [...]
[...] On constate en effet dans ces trois recueils la présence récurrente du thème de la métamorphose, élément central du fantastique, qui amène les personnages ancrés dans la rationalité à repenser leur vie différemment, thème que l'on retrouvera d'ailleurs ensuite chez Franz Kafka, pour dénoncer l'absurdité de la société. Buzzati a toujours considéré son métier de journaliste comme la source d'inspiration première pour son métier d'écrivain. Le choix de la nouvelle se rapproche également du style journalistique qui a pour but de toucher au vif. Car finalement, comme José Luis Borgès l'écrivait très justement en parlant du poète, terme générique qui peut s'envisager comme synonyme de l'écrivain en général : „Un grand poète est moins un inventeur qu'un éclaireur". [...]
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