À partir d'un extrait des Salons de 1767 de Diderot, sur un commentaire d'un tableau d'Hubert Robert, on peut voir comment nait dans le philosophe une certaine poètique des ruines, et une conception d'un "être pensant" qui se construit peu à peu. Ceci nous amène à réfléchir sur les sentiments que chacun éprouve, au pathétique si cher à Diderot.
[...] De ce lieu, jusqu'aux habitations des villes, jusqu'aux demeures du tumulte, au séjour de l'intérêt, des passions, des vices, des crimes, des préjugés, des erreurs, il y a loin. Si mon âme est prévenue d'un sentiment tendre, je m'y livrerai sans gêne. Si mon cœur est calme, je goûterai toute la douceur de son repos. Dans cet asile désert, solitaire et vaste, je n'entends rien ; j'ai rompu avec tous les embarras de la vie. Personne ne me presse et ne m'écoute. [...]
[...] Puis le substantif est nommé, se référant toujours à un élément naturel. Ensuite, une relative est introduite pour décrire ce dont il est question avec des verbes qui se référent systématiquement à une mutation, un mouvement, mais un changement moindre comparé à cette existence éphémère qui nous était présentée au préalable. Il y a donc une transformation, la nature est personnifiée car mise en mouvement comme un humain, mais elle est justement suprême car si certes elle s'affaiblit parfois, elle continue d'exister, elle ne meurt pas. [...]
[...] Extrait des Salons de 1767, de Diderot, à propos du tableau d'Hubert Robert, La Grande Galerie éclairée du fond, Section 106 Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes. Tout s'anéantit, tout périt, tout passe. Il n'y a que le monde qui reste. Il n'y a que le temps qui dure. Qu'il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités. De quelque part que je jette les yeux ; les objets qui m'entourent m'annoncent une fin, et me résignent à celle qui m'attend. [...]
[...] Dans les paragraphes suivants, le narrateur entre dans le tableau de Robert, pour devenir cet être pensant dont il regrette l'absence. La poétique des ruines n'est pas figée sous la forme d'une théorie, ou d'un traité, mais elle est élaborée au fil de la pensée. Nous avons alors sous les yeux l'exemple du comportement du narrateur, comportement type que les ruines doivent produire sur chacun d'entre nous. Des lignes 59 à 61, le narrateur pose les conditions idéales qui lui permettent une introspection de son moi Le danger d'une situation est rejeté, c'est le secret et la sécurité des ruines qui sont propices à la libération et à l'étude de l'âme de l'auteur : je suis plus libre, plus seul, plus à moi, plus près de moi. [...]
[...] Un torrent entraîne les nations les unes sur les autres, au fond d'un abîme commun ; moi, moi seul, je prétends m'arrêter sur le bord et fendre le flot qui coule à mes côtés ! Si le lieu d'une ruine est périlleux, je frémis. Si je m'y promets le secret et la sécurité, je suis plus libre, plus seul, plus à moi, plus près de moi. C'est là que j'appelle mon ami. C'est là que je regrette mon amie. C'est là que nous jouirions de nous, sans trouble, sans témoins, sans importuns, sans jaloux. C'est là que je sonde mon cœur. [...]
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