La littérature du Moyen-Age présente une tendance cyclique aussi bien dans la geste que dans le roman. Cela se manifeste dans le Lancelot propre dans lequel le chevalier Lancelot remplit un rôle fédérateur entre les différentes parties en tant qu'homme accompli. Le cycle a sans doute été majoritairement organisé par Robert de Boron. Outre cette tendance, il existe également une forte récurrence des motifs entre les œuvres médiévales. Ainsi, L'enlèvement de Guenièvre, appartenant au Lancelot propre écrit entre 1215 et 1235, s'inspire profondément du Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes, rédigé en 1164 environ. Les deux versions, bien que s'attachant à narrer les mêmes épisodes, comportent des variations qu' Alexandre Micha commente : « Alors que Chrétien de Troyes dans Le chevalier de la Charrette exprime un idéal, un certain style de vie qui fait parvenir le héros au plus haut sommet de la valeur, l'auteur du Lancelot en prose a au plus haut point le sens de la complexité de la vie et des êtres ; les aspirations les plus hautes y voisinent avec les médiocrités quotidiennes ». Ce sont donc les notions d'idéal et de complexité de la vie qui s'opposent et qui font problème. L'idéal désigne vraisemblablement l'état d'esprit de la cour et le respect des valeurs courtoises. Lancelot personnifie cela en se dévouant totalement à Guenièvre. Chez Chrétien, cette soumission est complète et presque sans hésitation. D'ailleurs, le doute du chevalier est sévèrement condamné par la reine. Il affronte des épreuves d'une difficulté extraordinaire sans exprimer de la crainte et en réussissant avec une facilité hors du commun. Dans la prose, l'existence du chevalier serait alors plus proche de la réalité médiévale. Il donnerait à voir plus distinctement son humanité, c'est-à-dire ses défauts aussi bien que ses qualités. Il serait moins l'incarnation d'un désir de perfection mais plutôt un exemple d'évolution d'un homme vers un destin supérieur dont il est digne. Les deux aspects du personnage de Lancelot sont donc à l'image de cette opposition. Les aventures de Lancelot sont-elles porteuses du même sens dans les deux versions ? Certes, on distingue un sujet commun dans les deux œuvres, mais on constate l'existence de divergences dont il est intéressant d'étudier les causes et les effets.
[...] L'amour est donc un vecteur de l'idéal dans le Chevalier de la Charrette puisqu'il conduit à une perfection des valeurs et des actes au mépris de la raison. Dans la prose, l'amour devient l'exemple de la vertu du chevalier plutôt que sa cause. La version en prose témoigne également d'une inscription plus forte dans le réel. On peut s'attacher au sens de l'épisode de la charrette. Chez Chrétien de Troyes, selon Jacques Ribard, il y aurait deux niveaux de signification. [...]
[...] Il ne donne aucune explication quant à l'origine de la lance come foudre, le fer desoz, et cuida coudre le chevalier parmi les flans au covertor et as dras blans et au lit la ou il gisoit Son texte est poétique grâce à l'art de la suggestion. Quelques termes évoquent la richesse de la scène et son caractère merveilleux tels que soie fils d'or zibeline ou confort d'un roi La demoiselle fait preuve d'une science mystérieuse et ses connaissances sont sans appel ce qui la rapproche de la figure de la fée. Elle sait que Lancelot est monté dans la charrette et elle semble savoir qu'il acceptera immédiatement le défi du lit merveilleux. [...]
[...] Les hommes vivants de la cour du roi Arthur sont préoccupés par leur condition et se décident à suivre Lancelot qui représente le Christ. La charrette représente la croix et est un véhicule matérialisant le chemin du salut. L'enjeu du combat est Guenièvre, symbole de l'âme humaine disputée entre le Bien et le Mal. Lancelot est un personnage accompli prêt à affronter le Mal pour sauver les Hommes. La montée dans la charrette ne l'atteint pas car il vit dans un autre monde, celui de la fin' amor. [...]
[...] Les deux aspects du personnage de Lancelot sont donc à l'image de cette opposition. Les aventures de Lancelot sont-elles porteuses du même sens dans les deux versions ? Certes, on distingue un sujet commun dans les deux œuvres, mais on constate l'existence de divergences dont il est intéressant d'étudier les causes et les effets. L'auteur du Lancelot propre cite clairement l'œuvre de son prédécesseur dès les premières lignes de son roman : si com li Contes de la Karete le devise Cela indique immédiatement la parenté entre cette œuvre et le Chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes. [...]
[...] Plus qu'un fin amant Lancelot devient un chevalier en quête d'aventures. Il s'agit donc d'un élargissement de la portée du personnage qui n'est plus caractérisé que par un sentiment idéalisé mais qui a aussi d'autres fonctions plus réelles. L'épisode n'a plus sa signification propre qui est celle du dépassement de soi et de l'acte qui peut être accompli uniquement par un être exceptionnel. Toute la cour finit même par monter dans la charrette et l'acte de Lancelot devient digne de gloire car il est le signe de son dévouement ultime pour la reine. [...]
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