L'Oeuvre est le quatorzième volume des Rongon-Macquart. Dans cet ouvrage, Zola suit le jeune peintre Claude Lantier, déjà évoqué dans « L'Assommoir » ou dans « Le ventre de Paris », durant une dizaine d'années. Pour mener à bien ce projet, l'auteur s'est inspiré de sa passion pour l'art et de sa connaissance du monde des artistes. En effet, Zola s'est servi de ses souvenirs personnels, ayant été à la fois l'acteur et le témoin privilégié de la révolution artistique de la fin du XIXe siècle. Il avait également réuni dans ses carnets d'enquête toute une documentation, notamment sur les différentes techniques en peinture et en sculpture. Claude est accompagné par Sandoz, un écrivain, novice tout comme lui, mais qui partage ses idées révolutionnaires sur l'art. Autour de ces deux personnages gravite toute une bande d'artistes aussi bien architectes que musiciens ou même sculpteurs qui combattent pour imposer un art nouveau, chacun dans son domaine.
Emile Zola a été un important critique d'art du XIXe et un des grands défenseurs, contre l'académisme, des tendances nouvelles en peinture. Pourtant, dans cet ouvrage, son but n'était pas de condamner certaines pratiques et d'en encenser d'autres mais au contraire de témoigner de la révolution picturale des années 1860. En plus d'être le récit d'un difficile parcours initiatique, L'oeuvre est une douloureuse interrogation sur l'art, sur la création, sur l'artiste face à la société. Il est vrai que si dans la première partie du roman, la jeunesse, la fougue et l'idéal des artistes alimentent leur art, les multiples échecs, les refus du Salon officiel ainsi que la misère donnent une tonalité plus sombre à l'ensemble. L'oeuvre est bel et bien l'histoire d'une quête inachevée.
[...] nous n'étions pas gâtés, nous avions devant nous dix ans de travail et de lutte avant de pouvoir nous imposer comme ça (p.276). Selon lui, la presse y est pour beaucoup dans cette décadence : elle propulse trop vite de jeunes peintres sans talent sur le devant de la scène. Bongrand s'insurge au nom des vrais artistes, comme Claude, qui sont copiés sans complexes : tout le truc consiste à lui voler son originalité et à l'accommoder à la sauve veule de l'Ecole des Beaux-Arts ! (p.277). Le portrait qu'il dresse de l'art moderne semble catastrophique et négatif. [...]
[...] L'Académie, qui aspire au respect des règles qu'elle a imposées? Ou bien le public qui évolue souvent bien loin du monde des artistes. Jean Galard, dans un article intitulé Une question capitale pour l'esthétique a écrit qu' : On élève une oeuvre au rang de chef-d'oeuvre grâce au prix esthétique de leur valeur propre, mais également à cause de phénomènes historiques, de conditionnements sociaux, enfin par rapport à des motifs individuels. Un chef-d'oeuvre est forcément une oeuvre aboutie, terminée, accomplie en tous points car elle est le résultat des projets et de l'engagement du peintre Zola dramatise alors d'autant plus le destin de Claude: alors qu'il subit déjà une déchéance terrible, il doit supporter de voir un plagiat médiocre être élevé au rang d'oeuvre à grand succès. [...]
[...] C'est un combat pour la peinture et contre les éléments car les obstacles semblent nombreux et Claude s'aperçoit vite de ses limites : son obstination à peindre sur nature compliquait terriblement son travail ou bien Bien qu'il refusât de le confesser, la peinture sur nature, au plein air, devenait impossible dès que la toile dépassait certaines dimensions Son obstination est soulignée, plus loin, c'est son intransigeance de réaliste (p.309) qui est évoquée, il est même question de ses superstitions (p.309) qui sont des indices laissant deviner l'espèce de folie créatrice dans laquelle Claude est en train de sombrer. C'est presque par hasard qu'il trouve le sujet du tableau qui va l'obséder, et ceci, jusqu'à sa mort : le pont Saint-Nicolas avec ses "cabines basses des bureaux de la navigation" (p.311), la Seine, le pont des Arts . Il trouve son inspiration dans une scène du quotidien, banale pour qui habite dans cette ville. On passe devant sans d'y attarder, ça ne retient pas le regard. [...]
[...] Les critiques se sont notamment étonnés de l'absence totale de sujet, du moins de sujet tel qu'on en avait l'habitude, dans cette œuvre. Mais la toile qui récolte le plus de moqueries et de critiques violentes est évidemment la toile de Claude, Plein air. Son sujet pose également problème, en effet, à première vue c'était le sujet surtout qui fouettait la gaieté: on ne comprenait pas, on trouvait ça insensé (p.207). Elle n'est absolument pas prise au sérieux, on plaisante sur le sujet, sur la technique du peintre et on humilie sa proposition artistique : On ne comprenait pas, on trouvait cela insensé voilà la dame a trop chaud, tandis que le monsieur a mis sa veste de velours de peur d'un rhume les chaires sont bleues, les arbres sont bleus, pour sûr qu'il l'a passé au bleu son tableau ! [...]
[...] En effet, même si on a souvent tenté de voir en lui un double de Cézanne il semblerait au contraire que ce personnage soit composite, c'est-à-dire qu'il emprunte plusieurs de ses traits à différents peintres connus de Zola. De plus, par ses choix esthétiques, il résume parfaitement l'évolution de toute une époque, qui allait de l'Impressionnisme au Symbolisme. L'oeuvre est aussi un roman assez pessimiste concernant la création artistique: l'artiste se sacrifie pour une perfection qu'il n'arrivera jamais à atteindre. Bibliographie Cachin, Françoise, L'art du XIXe siècle (1850-1905)-Seconde moitié, Editions Citadelles, Paris Zola, Emile, L'œuvre, Paris, Classiques de poche Qu'est-ce qu'un chef d'œuvre ? Art et artistes, Paris, Gallimard Pagès, Alain, Guide-Emile Zola, Ellipses, Paris, 2002. [...]
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