Le recueil Alcools, paru en 1913, est le fruit d'un long travail d'Apollinaire. Il fut accueilli à l'époque avec beaucoup de réticences par un public surpris par la nouveauté de cette poésie. Le poète apparaît comme « las de ce monde ancien » (Zone) et engage un mouvement vers la modernité poétique. Pour étudier les figures du poète et de son travail dans le recueil, nous nous attacherons à considérer l'ouvrage dans son ensemble, afin de déterminer quelle image Apollinaire y donne du travail et de la mission poétique. Dans un premier temps, nous verrons que le poète est un érudit capable d'inventer de nouvelles manières d'écrire de la poésie. Puis nous étudierons le poète en tant que chanteur de la vie. Enfin, nous nous intéresserons à la relation qu'il entretient avec les transformations du monde qui l'entoure, et en quoi cette attitude d'Apollinaire est celle d'un poète qui se veut moderne.
[...] Ces choix érudits d'Apollinaire nous placent dans une sorte de brouillard référentiel, où la vérité du sens des mots est brouillée, pour laisser place à leur valeur poétique au sein du poème. Le poète est le seul capable de voir clair dans ce jeu autour des mots et des sujets. Mais le poète n'est pas seulement un érudit, savant des connaissances des autres hommes. C'est aussi celui qui est capable d'inventer ses propres connaissances, ce qui en fait un démiurge. [...]
[...] Il s'agit donc de créer une poésie moderne, en réponse aux technologies modernes. Le poète évoque la nouvelle dynamique publicitaire, en comparant ses slogans à de la poésie dans Zone : Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut / Voilà la poésie ce matin Cette nouvelle poésie est donc éphémère et commerciale, mais c'est peut-être en référence à ce rapport moderne aux mots et à l'inventivité engendrée par la publicité que le poète se permet cette comparaison. [...]
[...] En conclusion du recueil, dans les dernières strophes du Vendémiaire , le poète fait un résumé de la vie révélateur : Actions belles journées sommeils terribles / Végétations Accouplements musiques éternelles / Mouvements Adorations douleurs divines Ainsi, même la douleur est indispensable à la vie, comme constituante contingente de sa beauté. Le recueil se conclue sur Vendémiaire, célébrant la vie et l'ivresse qu'elle peut engendrer. Le poète est ainsi celui qui chante la vie : Écoutez mes chants d'universelle ivrognerie Enfin, le poète d'Alcools est le témoin des transformations de son époque. Apollinaire est ainsi à la jonction entre tradition et modernité, entre innovations techniques et mémoire érudite. [...]
[...] Afin de mener ses semblables vers cette nouvelle poésie, Apollinaire met en mouvement les structures de la poésie classique, il dérange ses caractéristiques pour mieux en créer de nouvelles. Il est à la jonction entre deux mondes, entre tradition et modernité, et s'appuie sur la mémoire de l'une pour mieux créer la poésie de l'autre. Le poète à l'œuvre dans Alcools est donc un poète savant et créatif, qui chante ses tourments et ses joies, mais aussi son époque, en inventant une nouvelle manière d'être poétique, en accord avec les transformations de la société. [...]
[...] Il utilise parfois des topoï de la poésie amoureuse, tels que l'évocation des yeux de la femme aimée dans Vendémiaire : Au bord des yeux de celle que j'aime tant Cependant, cet amour de la beauté le mène à condamner souvent violemment la laideur de certaines femmes, présentée comme une conséquence de leur méchanceté : C'était son regard d'inhumaine / La cicatrice à son cou nu (La Chanson du mal-aimé). La beauté est un pouvoir, et le poète en a conscience et s'en méfie parfois : Cette femme était si belle / Qu'elle me faisait peur (1909). Malgré ses thèmes souvent mélancoliques, Alcools est un hymne à la vie, en dépit de la mort et de la fuite du temps, de l'infidélité et de la tristesse. [...]
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