L'acte de créer une œuvre littéraire entraîne une conception de cette œuvre et du résultat que l'on veut obtenir. Si chaque œuvre a sa spécificité, on peut néanmoins voir des aspects communs à certains genres. C'est ainsi que l'on peut se demander ce qu'est la spécificité de la poésie, et de manière plus précise, on peut se demander ce qu'est un poème. Se demander ce qu'est un poème, c'est-à-dire ce qu'est sa nature, n'est pas se demander ce qu'est la poésie. Le poème est le langage poétique concrétisé et achevé dans une forme et dans un cadre défini comme œuvre et travail d'un poète. Cette question pose le problème de la création et de ce que l'on entend par poème, aussi bien dans sa forme que dans son contenu. Ainsi, quelle est la nature du poème et quels sont les formes et traits qui font d'un poème un poème ? On voit bien ici que l'on met en jeu les normes poétiques et littéraires et l'acte particulier, la parole particulière engagés dans le poème. C'est non seulement la nature du poème qu'il faut alors déterminer, mais ses caractéristiques formelles classiques et enfin ses enjeux. En effet, se demander ce qu'est un poème entraîne la question de la spécificité du message et de la portée du poème. Mais il faut voir également l'évolution historique du concept même de poème, évolution qui met en évidence la nécessité de mieux saisir l'essence du poème comme langage poétique, au sens large, dans une forme close et travaillée.
[...] Un poème est alors ce qui se rapproche plus de la danse pour Valéry ou de la musique pour Mallarmé. Il n'est alors plus que forme, et plus du tout sens, ce sens même étant refusé chez Valéry de manière complète : il refuse que l'on interprète ses poèmes et refuse de dire qu'il a mis un sens dans son poème, même s'il admet qu'il y ait polysémie dans un poème. Dans cette conception, le poème est uniquement et essentiellement une construction sur des mots pour retrouver un langage qui s'apparente au rythme de la musique et non à celui de la marche, comme dans la prose selon Valéry. [...]
[...] On voit ici qu'on accède à une seconde définition du poème, plus large peut- être et peut-être plus essentielle aussi. On peut, dans un premier point, se demander si un poème n'est pas tout d'abord une forme dans laquelle, au-delà des contraintes des genres, le plus essentiel est le travail, le jeu sur les mots, sur les sonorités, sur les systèmes d'images. On pourrait dire qu'un poème exprime un langage différent de celui de la prose, non plus en ce qu'il s'inscrit dans une forme fixe et courte, mais en ce qu'il rompt avec notre usage coutumier des mots. [...]
[...] On peut enfin, toujours dans cette première définition du poème, dire que le poème est un texte qui se caractérise par sa forme fixe et par son respect des règles qui caractérisent cette forme. On voit alors qu'une diversité de formes et de sous-genres peut être un poème. On peut ici penser à l'Art Poétique de Boileau qui définit les différents genres mineurs du poème avec leurs règles respectives. C'est bien ici la preuve que le poème est cette forme condensée et resserrée dans la longueur, qui respecte une forme donnée ou invente une forme. [...]
[...] On peut alors établir un bilan de cette définition du poème : qu'est- ce qu'un poème ? On a vu plusieurs étapes dans ce raisonnement, avec des constantes, malgré les évolutions dans ce qui fait d'un poème un poème. Le poème est un langage particulier. On a vu qu'il était caractérisé par sa forme : vers, rimes, strophes. Mais il fallu remettre en cause cette définition avec l'évolution de la conception du poème, en-dehors de la rime ou même du vers. [...]
[...] On voit ici que la définition du poème s'élargit comme le montre Mallarmé lui-même qui dit bien que Le vers est partout dans la langue là où il y a rythme Ainsi, ce n'est plus le poème qui n'est plus seulement ce qui est en vers, c'est le vers qui devient tout ce qui est rythme, donc vers libre ou prose. Le poème serait donc ce qui exprime l'incommunicable d'une intimité poétique, d'une conception inhabituelle du monde. La forme s'allierait ainsi au poème pour faire rejaillir un sens plus intense, pour faire renaître sans cesse par le vers une parole essentielle. Le poème serait l'œuvre qui accomplirait cet acte. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture