Montesquieu, règle de l'art, essai sur le goût, goût de Voltaire, jugement de goût, plaisir de la détente, goûter au plaisir, âme, goûts naturels, goûts acquis, plaisir
En France, dans le domaine des Arts, on observe au cours du XVIIIe siècle une transition entre un art classique, régi par des règles bien précises, et un art néo-classique, désireux de plus de légèreté ; naît alors une réflexion sur l'esthétique et sur les règles de l'art, où la question de l'universalité du jugement de goût est au centre.
Suite à l'article Goût de Voltaire, publié dans l'Encyclopédie, Montesquieu (1689-1755) – penseur politique, philosophe et écrivain français – entreprend lui aussi de réfléchir sur ce sujet et rédige son Essai sur le goût ; ce texte sera publié à titre posthume en 1757, dans le tome VII de l'Encyclopédie.
[...] Le plaisir qu'elle peut ressentir grâce à un objet lui incite à prévoir, à imaginer le plaisir qu'elle pourrait également ressentir, voire même, plus intensément, pour un autre objet. Elle entre dans un cercle vicieux, mue par une volonté d'obtenir toujours plus ; dans cette recherche avide, l'âme voudrait repousser les limites que son environnement lui impose. Pour l'auteur, seul l'art permet de déplacer les limites en nous révélant la partie cachée de la Nature et en sublimant sa beauté ; ainsi il ne peut qu'être vecteur de plaisir puisqu'il satisfait notre curiosité. [...]
[...] Les plaisirs et les goûts Montesquieu s'applique d'abord à distinguer les divers plaisirs que l'on peut connaître et les goûts qui en découlent. Selon lui, il existe trois types de plaisirs : ceux que l'âme porte en elle depuis le début de son existence, qui lui sont propres et sont indépendants des sens, ceux qu'elle acquiert suite à son union avec le corps et ceux qui lui sont induits par le « monde extérieur » et sa sensibilité. On peut aussi regrouper les deux premiers types en « plaisirs naturels » et le troisième type en « plaisirs acquis » ; de ce classement découle donc une distinction à faire entre « goûts naturels » et « goûts acquis ». [...]
[...] Pour que cette curiosité puisse s'épanouir, la notion d'ordre est très importante ; car si l'âme se sent perdue par ce qu'elle voit, elle ne peut faire preuve de réflexion et ne peut donc pas user de sa curiosité pour anticiper un futur plaisir. Montesquieu souligne alors le fait que les tableaux sont source de plaisirs, car ils respectent certaines règles : grouper les figures, mettre au premier plan ce que le spectateur doit retenir et laisser la confusion en arrière-plan. Cependant, l'ordre ne doit pas devenir pesant et doit laisser libre cours à une certaine variété. L'âme, pour goûter au plaisir, doit pouvoir voir et ressentir des choses nouvelles ; il ne faut pas tomber dans le semblable, au risque de l'ennui. [...]
[...] L'âme établit en fait de nombreuses liaisons – entre ce qu'elle a vu et ce qu'elle voit, entre ce qu'elle sait et ce qu'elle voit, entre ce dont elle se souvient et ce qu'elle voit - et s'établissent elles- mêmes des raisons de plaisir. Avec justesse, Montesquieu illustre cela avec l'art de la danse qui plaît à l'âme avant tout par les connexions qu'elle établit entre les différents mouvements et attitudes. On constate une rupture avec la grande idée du XVIIIe siècle du jugement de goût comme sentiment unique et un, car ici le sentiment est une entité complexe et composée. [...]
[...] Ainsi, il est important que les contrastes respectent la Nature, cette dernière les utilisant à bon escient et non pour un usage continuel ; car cela risquerait d'engendrer un sentiment d'uniformité, comme l'illustre l'auteur avec l'exemple de l'utilisation systématique d'antithèses chez certains auteurs. Les contrastes relèvent en effet du naturel par le besoin de variations qui découle de l'union âme/corps. Puisqu'elle ressent grâce au corps, l'âme ne peut et ne sait éprouver du plaisir pour une même chose sur un temps illimité, car « les organes ont besoin de repos » ; la nature veut, par les contrastes, que le travail soit partagé. Ainsi, grâce à ces modifications, l'âme ne se lasse pas et continue de sentir. [...]
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