"« Ah ! tu veux arrêter... Ah ! tu m'as pris ma femme... Va, va, faut que tu y passes ! »
La machine roulait, roulait, le train venait de sortir du tunnel à grand fracas, et il continuait sa course, au travers de la campagne vide et sombre. La station de Malaunay fut franchie, dans un tel coup de vent, que le sous-chef, debout sur le quai, ne vit même pas ces deux hommes, en train de se dévorer, pendant que la foudre les emportait".
[...]
"Les soldats, dont l'ivresse augmentait, à être ainsi entassés, subitement s'égayèrent de cette course violente, chantèrent plus fort. On traversa Maromme en coup de foudre. Il n'y avait plus de sifflet, à l'approche des signaux, au passage des gares. C'était le galop tout droit, la bête qui fonçait tête basse et muette, parmi les obstacles. Elle roulait, roulait sans fin, comme affolée de plus en plus par le bruit strident de son haleine".
Pecqueux, dans un acte de rébellion, va provoquer sa mort et celle de Jacques dans un geste qui va clôturer le récit : la lutte endiablée sur une machine filant à toute vitesse. Zola a basé ce passage sur un article de 1886 au sujet d'un train fou abandonné à lui-même à la suite d'une rixe passionnelle entre chauffeur et mécanicien. A partir de ce matériel narratif, l'auteur va développer des notions intrinsèques au roman se rapportant à un langage symbolique. La machine, comme allégorie du progrès, ne peut fonctionner sans la violence du couple qui la dominait jusqu'alors, et sa libération s'étale comme une conclusion à la bestialité du roman.
Le couple harmonieux et muet de Jacques, Pecqueux et la Lison a perdu toute son unité au moment de la mort de cette dernière. Aux commandes d'une nouvelle machine, les deux hommes se trouvent dans un état de tension qui va se décharger dans ce dernier moment. Lison morte, rien n'est plus comme avant ; mais cette perturbation de l'équilibre antérieur qui fait que Pecqueux se mutine n'est pas du seul ressort de cette disparition. En effet, la mort de Séverine, égorgée par Jacques dans un état d'inconscience, a provoqué l'élaboration d'un nouveau couple, celui de Philomène et de Jacques. Lorsque le premier ménage à trois personnes fonctionnait parfaitement, celui d'avec Philomène, qui est aussi l'amante de Pecqueux, est à l'origine du conflit silencieux entre Jacques et son chauffeur. Cet écart de Jacques entraine une concurrence amoureuse encore inexistante au sein du roman, dont la seule amorce : les attouchements de Grandmorin avait été immédiatement punie de la mort du fautif.
[...] On les retrouva sans tête, sans pieds, deux troncs sanglants qui se serraient encore, comme pour s'étouffer. Et la machine, libre de toute direction, roulait, roulait toujours. Enfin, la rétive, la fantasque, pouvait céder à la fougue de sa jeunesse, ainsi qu'une cavale indomptée encore, échappée des mains du gardien, galopant par la campagne rase. La chaudière était pourvue d'eau, le charbon, dont le foyer venait d'être rempli, s'embrasait ; et, pendant la première demi-heure, la pression monta follement, la vitesse devint effrayante. [...]
[...] Quand Roubaud énonçait il faut que je le crève ! avant de mettre en acte sa pensée, Pecqueux, dans le même langage, s'écrie maintenant, rompant le silence fusionnel Va, va, faut que tu y passes ! traversant lui aussi ce tunnel où Roubaud, le premier, ne parvint pas à tuer le président. Dans l'Ebauche déjà, et ce avant même d'avoir édifié l'intrigue du roman, Zola envisageait que ce roman serait ponctué de deux meurtres, et [qu']il faudrait trouver quelque chose de très original entre les deux meurtres, toute une analyse, l'envie de tuer, d'abord vague, puis se précisant et toute une lutte alors, des essais, et enfin, le meurtre s'accomplissant dans des circonstances identiques La similitude n'est donc pas fortuite. [...]
[...] De par le vocabulaire employé par Zola, cette mort violente peut aussi être mise en parallèle avec la mort de Flore. Effectivement, l' effroyable embrassade terme parfait pour exprimer le paradoxe entre cette fraternité de tout temps et cette haine farouchement combattante se ressent autant dans l'osmose entre Flore et ce train pour qui elle venait comme à l'approche d'une amie que dans celle qui existe dans le couple Jacques-Pecqueux, qui avaient si longtemps vécu en frères Zola paraît vouloir appuyer ici sur ce contraste terrible entre cet amour fraternel et la destructivité qui en découle. [...]
[...] On traversa Maromme en coup de foudre. Il n'y avait plus de sifflet, à l'approche des signaux, au passage des gares. C'était le galop tout droit, la bête qui fonçait tête basse et muette, parmi les obstacles. Elle roulait, roulait sans fin, comme affolée de plus en plus par le bruit strident de son haleine. Pecqueux, dans un acte de rébellion, va provoquer sa mort et celle de Jacques dans un geste qui va clôturer le récit : la lutte endiablée sur une machine filant à toute vitesse. [...]
[...] Le couple harmonieux et muet de Jacques, Pecqueux et la Lison a perdu toute son unité au moment de la mort de cette dernière. Aux commandes d'une nouvelle machine, les deux hommes se trouvent dans un état de tension qui va se décharger dans ce dernier moment. Lison morte, rien n'est plus comme avant ; mais cette perturbation de l'équilibre antérieur qui fait que Pecqueux se mutine n'est pas du seul ressort de cette disparition. En effet, la mort de Séverine, égorgée par Jacques dans un état d'inconscience, a provoqué l'élaboration d'un nouveau couple, celui de Philomène et de Jacques. [...]
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