Cher Louis Ferrand,
Vous avez manifesté un réal intérêt au manuscrit de mon autobiographie, vos recommandations m'ont éclairée et m'ont permis de retoucher mon texte avant sa publication. Aussi vous dois-je quelques explications quand vous me faites part de votre étonnement en voyant au milieu du texte la reproduction du tableau flamand que j'évoque dans mon récit. Elles vous éclaireront, je l'espère, sur ma démarche et seront comme un supplément autobiographique, rien que pour vous, comme une marque de confiance et d'amitié.
[...] L'éditeur de Sophie Calle a été intrigué par la présence du tableau flamand dans son autobiographie. Dans une lettre, elle lui répond pour en justifier la nécessité Vous avez manifesté un réel intérêt au manuscrit de mon autobiographie, vos recommandations m'ont éclairée et m'ont permis de retoucher mon texte avant sa publication. Aussi vous dois-je quelques explications quand vous me faites part de votre étonnement en voyant au milieu du texte la reproduction du tableau flamand que j'évoque dans mon récit. [...]
[...] Et puis il y a un parti pris esthétique: la création artistique est digne de ce nom si elle brouille les frontières, si elle suscite les rencontres de créations antérieures. Je sais que vous allez lire ces lignes avec la bienveillance et l'attention qui sont toujours les vôtres et que vous assumerez la publication du texte avec Le portrait le fameux portrait auquel Sophie Calle tient tant! C'est pourquoi je vous redis, mon cher Louis, toute mon amitié et toute mon estime pour l'éditeur courageux et ouvert que vous êtes toujours. [...]
[...] C'est peut-être la présence de ce tableau de la salle à manger et le visage de Luce de Montfort qui ont fait naître ma passion pour la photographie, notamment pour les portraits photographiques. Quand nous sommes allés avec mon oncle à Bruxelles et à Amsterdam, je devais avoir quinze ans, je me suis arrêtée de longues minutes sur les portraits flamands du XVIe et du XVIIe siècle. Plus tard, vers dix-huit ans, je portraiturais tous mes amis n'importe ou, et déchirais tout de suite ces médiocres coups de crayon. [...]
[...] Je pense que la littérature, et en particulier l'autobiographie, doit rejoindre les arts plastiques, la peinture, la photographie. Il faut en finir avec la séparation des arts, d'un côté l'écrit, de l'autre l'image, chacun son support, chacun son genre. Je plaide pour une création artistique et poétique qui unisse le texte, discours ou narration, et l'image, sans chercher à établir une hiérarchie. Que le texte ne soit pas l'auxiliaire explicatif de l'image. Que l'image ne vienne pas atténuer l'aridité du texte. [...]
[...] Et cette succession d'images me donne le vertige: le tableau, authentique peinture flamande du XVe siècle, représentant une vie humaine, la copie du tableau dans mon livre, représentation de la représentation. Si je voulais un peu vous taquiner, je vous avouerais que j'ai toujours préféré les livres illustrés et que là, pour l'occasion, j'ai rempli la tâche d'illustratrice, assurée qu'un éditeur aussi sérieux que vous n'allait pas orner sottement une autobiographie de photos et de dessins, cela fait trio biographie grand public! [...]
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