Les Essais de Montaigne est une œuvre du XVIe siècle qui se distingue du paysage littéraire de son époque par l'originalité de sa forme et son projet novateur, qui consiste à « s'examiner ». Très appréciée par le roi et son public contemporain, cette œuvre sera toutefois critiquée au XVIIe siècle, parallèlement à la montée du cartésianisme. Ainsi, dans son ouvrage De la recherche de la vérité (1674), le philosophe Malebranche parle en ces termes de Montaigne : « Ce ne sont nullement ses raisons qui persuadent : il n'en apporte presque jamais des choses qu'il avance, ou pour le moins il n'en apporte presque jamais qui aient quelque solidité. En effet, il n'a point de principes sur lesquels il fonde ses raisonnements, et il n'a point d'ordre pour faire les déductions de ses principes. Un trait d'histoire ne prouve pas : un petit conte ne démontre pas ; deux vers d'Horace, un apophtegme de Cléomène ou de César ne doivent pas persuader des gens raisonnables. » Aussi, dans quelle mesure cette affirmation rend-elle justice à l'écriture de Montaigne ?
Nous allons voir que, si cette citation de Malebranche analyse avec finesse le style de Montaigne, elle exclut toutefois la dimension philosophique du projet de l'auteur, qui ne partageait pas les mêmes idées que Malebranche.
[...] C'est sur cette conception que Montaigne établit sa conception de la sagesse. Ses principes éducatifs sont ainsi fondés moins sur le respect des bibliothèques et du savoir établi que sur la mise en pratique de la leçon et l'exercice de l'esprit critique. Le dernier chapitre de son œuvre, De l'expérience (III, affirme d'ailleurs la valeur de l'expérience, qui, seule, permettrait de se connaître et d'éprouver sa différence. dogmatisme et scepticisme Malebranche est de plus un auteur cartésien, qui adhère à la théorie du dogmatisme. [...]
[...] Transition : Les critiques que Malebranche adresse à Montaigne sont donc en fait les qualités de son ouvrage. Si celui-ci a été si mal interprété par le philosophe qui a écrit De la recherche de la vérité, c'est tout simplement car Montaigne et Malebranche appartiennent à III / Des courants philosophiques opposés Dans cette troisième partie, nous allons tenter de montrer pourquoi Malebranche et Montaigne ne partagent pas les mêmes idées. Cela est dû à une opposition entre : rationalisme et empirisme La citation de Malebranche insiste sur l'importance que le philosophe accorde à la raison : Ce ne sont nullement ses raisons qui persuadent il n'a point de principes sur lesquels il fonde ses raisonnements [les exemples de Montaigne] ne doivent pas persuader des gens raisonnables. [...]
[...] L'écriture de Montaigne : une écriture argumentative ? Dans son ouvrage De la recherche de la vérité (1674), le philosophe Malebranche parle en ces termes de Montaigne : Ce ne sont nullement ses raisons qui persuadent : il n'en apporte presque jamais des choses qu'il avance, ou pour le moins il n'en apporte presque jamais qui aient quelque solidité. En effet, il n'a point de principes sur lesquels il fonde ses raisonnements, et il n'a point d'ordre pour faire les déductions de ses principes. [...]
[...] Mais Montaigne s'oppose fondamentalement à ce principe. La principale raison du scepticisme est en effet de se garder de parler de certitude absolue. Si les hommes ne peuvent apercevoir les choses que par les formes de leur connaissance et si donc nous n'avons aucune communication à l'être (Montaigne, Essais, II, alors le doute apparaît comme l'attitude la plus raisonnable. Mais s'il se veut rigoureux, et ne pas tomber dans la contradiction d'un scepticisme dogmatique (certain de l'incertitude), le scepticisme doit aussi douter de lui-même et être sceptiquement sceptique. [...]
[...] On remarque toutefois que sa condamnation est nuancée : il n'en apporte presque jamais des choses qu'il avance, ou pour le moins il n'en apporte presque jamais qui aient quelque solidité. Malebranche, malgré la sévérité de son jugement, reconnaît donc lui-même l'excès de sa prise de position. En effet, les courants philosophiques auxquels appartient chacun de nos deux philosophes ne sont pas absolument inconciliables, car chacune des doctrines est incomplète et se nourrit en partie de celle qui est son opposée. Bibliographie Montaigne : Essais, préface André Gide, édition établie par Pierre Michel - éd. Folio Classique Montaigne, une vie, une œuvre, par D. Frame, tr. p. J.-C. [...]
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