On garde en mémoire la « fatwa » condamnant à mort l'écrivain Salman Rushdie pour son roman "Les Versets sataniques". Il n'échappe, hélas, à aucun régime totalitaire combien une œuvre littéraire, même lorsqu'elle proclame qu'elle n'offre qu'une fiction, représente une menace parce qu'elle a le pouvoir d'atteindre les consciences, parce qu'elle dénonce par de multiples moyens l'atteinte aux libertés, à la dignité. Tous les inquisiteurs, tous les fanatiques, religieux ou athées, savent lire et comprennent que lire des ouvrages littéraires est un danger, un obstacle à leur entreprise d'embrigadement. Sur ce seul point, ils ont raison. Oui, l'œuvre littéraire peut dénoncer les injustices ; c'est pourquoi il convient de s'interroger sur tous les procédés qu'elle peut mobiliser en vue de cette dénonciation.
En premier lieu, l'usage de la fiction nous paraît une arme spécialement efficace dans le combat contre les injustices et la misère. Il faudra ensuite s'interroger sur tout ce qui, au-delà des distinctions entre genres littéraires, contribue à l'expression des sentiments et des convictions. Enfin, la traduction du rire en littérature retiendra notre attention : la dérision est redoutable, éclater de rire à la barbe de l'ennemi pour démasquer ses vices et ses impostures est une admirable preuve de courage dont la littérature a pu souvent s'enorgueillir.
[...] Il s'en prend à l'institution judiciaire, complaisante avec les puissants, aux privilèges de la naissance et donc à toute la noblesse, aux atteintes portées à la liberté d'expression. Il égratigne toutes les formes de pédants et de sots. La satire est parfaitement illustrée à travers des personnages ridicules comme Bartholo ou le juge Don Gusman Bridoison. La peinture d'un caractère, le comique des répliques et des gestes, mais aussi le jeu des comédiens et les inventions de mise en scène sont au service de la satire et donc de la dénonciation mordante et drôle. [...]
[...] André Malraux, ministre de la Culture, prononçant l'éloge funèbre de Jean Moulin dont les cendres entrent au Panthéon, évoque aussi, avec une éloquence remarquable, ce que furent les souffrances des résistants, torturés par la Gestapo, et des déportés. Le ministre et écrivain s'adresse au grand résistant: Entre ici Jean Moulin et fait surgir dans sa phrase le cortège des résistants sacrifiés. La littérature n'est pas étrangère au rire, elle en propose de multiples traductions, et la dérision est une arme redoutable de dénonciation. III- La dérision Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer s'exclame Figaro au début du Barbier de Séville de Beaumarchais. [...]
[...] Le rythme du vers traduit à la fois l'indignation du poète et le mouvement des enfants, esclaves de l'industrie. La réalité est bien là: les longues heures de travail, la fatigue et la tristesse, l'épuisement du corps et la maladie. Notre siècle dispose d'abord des images directes d'enfants exploités dans divers pays du monde, mais les vers de Hugo restent facilement en mémoire et frappent nos imaginations. Les usines du XIXe siècle ne sont malheureusement pas un décor des temps révolus. [...]
[...] On serait tenté, après cette étude des nombreuses ressources dont dispose la littérature pour faire connaître et comprendre les maux de la société, d'établir une sorte de palmarès. Faut-il choisir entre l'apologue, la comédie, le roman? Mieux vaut ne se priver d'aucun genre littéraire pour découvrir des dénonciations et, surtout, mieux vaut se rappeler que l'image n'est pas la seule pour informer et témoigner. Il y a l'écrit et, notamment, l'écrit littéraire qui revendiquent une mise en œuvre esthétique, qui assume un mentir-vrai pour éveiller les consciences. [...]
[...] Le futur idéal fait voir ce qu'un auteur acquis aux Lumières déplore dans le présent. L'anticipation joue le même rôle que les voyageurs venus de Perse qu'invente Montesquieu dans ses Lettres persanes. Usbek et Rica s'étonnent des mœurs de Paris, en révèlent les anomalies, les contradictions. Le regard de ces personnages de fiction est l'expression de la critique moraliste de Montesquieu, tout comme la société parfaite de l'en 2440, imaginée par Mercier, dénonce les injustes et les misères du règne de Louis XV. [...]
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