Tout lecteur, même distrait, ne peut pas avoir conscience, et cela très vite dans la lecture de ce roman de Robbe-Grillet de la présence quasi constante du lexique de la géométrie. En effet, ce lexique de la géométrie s'installe dès les premières lignes du roman comme pour le signaler comme ingrédient majeur de l'écriture de ce roman qui ne raconte pas d'histoire. Il peut être surprenant pour un lecteur qui découvre cette oeuvre de trouver mêlées à un texte littéraire des notations géométriques aussi nombreuses. Pourquoi ce parti pris du scripteur ? C'est à nous, lecteur, d'éclairer le sens de ce choix d'écriture par notre réflexion.
En quoi cette omniprésence de ce lexique particulier opère-t-elle un infléchissement dans l'écriture du roman traditionnel en déstabilisant le lecteur ? (...)
[...] L'on peut s'étonner de la méticulosité arithmétique qui se fait jour pendant la description de la plantation. Ne peut-on y voir la présence du personnage absent, le propriétaire même de cette concession, voisine de celle de Franck, qui nous ferait visiter sa propriété et qui compte ses plants comme un exploitant qu'il est ? Toujours est-il que le deuxième chapitre du roman, page 32, après le blanc typographique nous a fait sortir de la maison et nous emmène, comme lors d'une visite guidée, vers la plantation. [...]
[...] C'est au lecteur de construire ce qui peut exister sans en être absolument certain puisque la vision des choses et des êtres se fait à travers un système de jalousies qui tranchent la réalité des choses. Notons aussi que cette description se fait par l'œil de celui qui voit et qui nous montre les choses, mais que cet œil est celui du probable mari de A dont la jalousie, jamais dite ni supposée, peut transformer la réalité tout comme les défauts du verre de la fenêtre de la page 57. [...]
[...] D'ailleurs, page 57, il est noté explicitement que le paysage réfléchi [ ] est distordu par les défauts du verre La réalité de cette histoire ne peut-elle être, elle aussi, distordue par l'œil humain ? Il y ce me semble, un parallèle à opérer entre la technique descriptive très géométrisante et le poids du non-dit significatif. Le souci dans la précision descriptive. La précision est parfois poussée à un tel point qu'on peut s'en étonner. Il apparaît cependant que certains détails descriptifs apportés dans la narration ne font qu'occulter un instant une réalité autre que celle qui est montrée. [...]
[...] Une nouvelle ligne, celle de la rivière, nous permet de sortir de la plantation et de poser notre regard au-delà de cet espace méthodiquement et géométriquement défini. Cette omniprésence du lexique géométrique affirme une nouvelle façon de considérer l'espace. La description des lieux rompt avec celle du roman traditionnel et ne crée ici aucun lien direct avec les personnages qui occupent ces lieux. Il faut entrer à l'intérieur de la maison pour y voir se dessiner des lieux en rapport avec les êtres. [...]
[...] Le deuxième lieu de vie sociale fortement récurrent est celui de la terrasse. Lieu de convivialité vespérale, les trois personnages y sont rappelés plusieurs fois au cours du roman. La scène de la terrasse, aux pages 28 et suivantes, donne lieu à une étude des postures des individus en présence de la part du narrateur. L'on retrouve ici sa précision de géomètre quant aux espaces vides qui séparent les êtres en présence. Les quatre mains comme des points dans l'espace sont alignées, immobiles L'espace qui sépare une main de A. [...]
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