" Avec des mots si j'essaie de recomposer mon attitude d'alors, le lecteur ne sera pas dupe plus que moi. Nous savons que notre langage est incapable de rappeler même le reflet de ces états défunts, étrangers. Il en serait de même pour tout ce journal s'il devait être la notation de qui je fus. Je préciserai donc qu'il doit renseigner sur qui je suis, aujourd'hui que je l'écris. Il n'est pas une recherche du temps passé, mais une œuvre d'art dont la matière-prétexte est ma vie d'autrefois. Il sera un présent fixé à l'aide du passé, non l'inverse. Qu'on sache donc que les faits furent ce que je les dis, mais l'interprétation que j'en tire c'est ce que je suis devenu. ", Jean Genet, in Journal du voleur
Jean Genet (1910-1986), écrivain français à la biographie complexe et sujette à de nombreuses études, a souvent pratiqué un certain type de récit désigné sous le nom de roman autobiographique. Son troisième roman, publié en 1949 sous le titre évocateur de Journal du voleur, est celui dans lequel la dimension autobiographique est la plus clairement revendiquée. Dans ce roman, Genet établit ce qu'on pourrait nommer – reprenant les termes de Philippe Lejeune – une forme de pacte autobiographique déviant qui met en cause les rapports du biographique et du textuel en interrogeant le problème de l'authenticité référentielle dans l'autobiographie. En effet, Jean Genet érigeant en valeur des actes comme la trahison, le vol, le mensonge et révélant dans son Journal s'y être livré à plusieurs reprises, le lecteur peut s'interroger quant à la sincérité de l'auteur. D'autant plus qu'il tient lui-même des propos ambigus quant à son rapport à l'écriture autobiographique (Journal du voleur, édition folio p.79), déclarant que son entreprise n'est pas de « recomposer » son moi passé ou de « rappeler des états défunts » – ce dont il prétend que le langage est incapable – mais de se placer du côté du présent de l'écriture, l'autobiographique n'en étant que le matériau : un « prétexte » à la création artistique. Par ailleurs, on sait que Genet, en tant que pupille de l'assistance publique ignorant tout de ses origines, développe une conception particulière de l'histoire dans laquelle vérité historique et mythologie individuelle se mêlent aisément. Au-delà de la singularité genetienne, on peut se demander dans quelle mesure toute autobiographie littéraire s'inscrit dans le double mouvement du désir d'objectivité et de l'interprétation, du réel et du mythe individuel, du constat et de la création. L'écriture autobiographique est-elle le lieu d'un récit de vie ou le lieu d'une création ou re-création de sa propre vie ? Est-ce le désir autobiographique qui engendre l'écriture ou l'écriture autobiographique qui modèle l'existence ? Quel est le rapport qu'entretiennent, au sein de l'écriture autobiographique, réalité et fiction ? Ainsi on verra comment l'écriture autobiographique comme superposition d'un regard présent sur un moi passé propose une lecture biaisée de la réalité dont il est question d'autant plus que l'autobiographie littéraire a cela de spécifique qu'elle se revendique comme création artistique.
[...] Au-delà de la singularité genetienne, on peut se demander dans quelle mesure toute autobiographie littéraire s'inscrit dans le double mouvement du désir d'objectivité et de l'interprétation, du réel et du mythe individuel, du constat et de la création. L'écriture autobiographique est-elle le lieu d'un récit de vie ou le lieu d'une création ou re-création de sa propre vie ? Est-ce le désir autobiographique qui engendre l'écriture ou l'écriture autobiographique qui modèle l'existence ? Quel est le rapport qu'entretiennent, au sein de l'écriture autobiographique, réalité et fiction ? [...]
[...] Qu'on sache donc que les faits furent ce que je les dis, mais l'interprétation que j'en tire c'est ce que je suis devenu. Jean Genet, in Journal du voleur Jean Genet (1910-1986), écrivain français à la biographie complexe et sujette à de nombreuses études, a souvent pratiqué un certain type de récit désigné sous le nom de roman autobiographique. Son troisième roman, publié en 1949 sous le titre évocateur de Journal du voleur, est celui dans lequel la dimension autobiographique est la plus clairement revendiquée. [...]
[...] De cette manière, l'écriture autobiographique en tant que processus de création artistique participe d'une construction identitaire davantage que d'un dévoilement. En effet, elle a pour objet la réalisation d'une image de soi, image empruntant des éléments dans un patrimoine commun, culturel, en se constituant par série d'identifications. Ainsi, dans la plupart des autobiographies, on assiste à une mythologisation, à une sublimation de son existence par l'auteur comme c'est le cas pour Leiris, ou encore de manière plus explicite pour Genet : ma vie doit être légende, c'est-à-dire lisible et sa lecture donner naissance à quelque émotion nouvelle que je nomme poésie. [...]
[...] L'écriture autobiographique est-elle le lieu d'un récit de vie ou le lieu d'une création ou re-création de sa propre vie? " Avec des mots si j'essaie de recomposer mon attitude d'alors, le lecteur ne sera pas dupe plus que moi. Nous savons que notre langage est incapable de rappeler même le reflet de ces états défunts, étrangers. Il en serait de même pour tout ce journal s'il devait être la notation de qui je fus. Je préciserai donc qu'il doit renseigner sur qui je suis, aujourd'hui que je l'écris. [...]
[...] Les autobiographes préfèrent, généralement, à ces formes expérimentales, la narration traditionnelle et chronologique. Le cas de Sarraute est intéressant en ce sens que dès l'incipit (p.7-10, éditions folio), la mise en place d'une forme originale, lui permet de manifester de ces doutes vis- à-vis de l'entreprise autobiographique elle-même et de proposer une alternative au type de narration habituellement employée par le genre. L'autobiographie de Sarraute est écrite sous la forme d'un dialogue entre l'auteur et son double, affirmant de cette manière que l'écriture autobiographique ne peut être pour elle que le fait d'une maïeutique. [...]
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