L'École des femmes, George Dandin, Molière, pièce de théâtre, comédie, rire moqueur, rire libérateur, formes d'humour, rire de soulagement, Freud, Bergson, comique de répétition, caricature des personnages, naïveté, castigat ridendo mores, satire sociale
Il s'agit bien pour le dramaturge de fustiger les moeurs en riant, autrement dit, de mettre le doigt sur des vices humains, d'en rire pour que le public se rende compte que ces comportements sont blâmables et ridicules.
C'est donc bien d'un « rire contre » dont il est question. Le public rit, car il se moque d'un comportement, c'est un rire qui dénonce.
Mais il semble pourtant que les pièces de Molière soient souvent plus complexes que ce schéma caricatural et simpliste. Le rire y est bien plus multiple et il semble réducteur de le limiter à une seule définition.
[...] Clitandre est ironique et se moque ouvertement de Lubin. Certes, nous rions ici contre Lubin, mais nous rions aussi avec Clitandre grâce à sa maîtrise de l'ironie : « Lubin : Je voudrais bien savoir, Monsieur, vous qui êtes savant, pourquoi il ne fait point jour la nuit. Clitandre : C'est une grande question, et qui est difficile. Tu es curieux, Lubin. Lubin : Oui. Si j'avais étudié, j'aurais été songer à des choses où on n'a jamais songé. Clitandre : Je le crois. [...]
[...] /Arnolphe : Ah vous aurez dans peu quelqu'un pour les chasser. » Ici, on ne rit contre personne, et Molière ne condamne par Arnolphe pour avoir outrepassé la norme de la bienséance en disant cela. Nous rions simplement du double sens des mots, et de l'allusion sexuelle. Le rire peut également se faire rire de soulagement, à la façon dont l'entend Freud. Il peut être ce moment où la tension dramatique redescend. La « scène du le » est, à ce titre, exemplaire. [...]
[...] Le renouvellement du genre comique par Molière passe donc par une redéfinition du rire en lui-même. Il ne s'agit pas de s'en tenir uniquement à la formule célèbre du « castigat ridendo mores » pour définir et comprendre la comédie de Molière. Certes, il rit de l'altérité, de ce qui est étrange, de ce qui contrevient à la norme ; certes il s'en moque pour éduquer et pour corriger les moeurs. Mais il ne faut pas en rester là. Le rire prend, on l'a vu, des formes multiples, allant du rire avec, au rire de soulagement, côtoyant le rire jaune et enfin allant jusqu'à l'absence totale de rire. [...]
[...] De la même façon comment ne pas lire certaines répliques d'Arnolphe comme des menaces ou des ordres terrifiants : « Je suis maître, je parle : allez, obéissez. » vient clore le deuxième acte sur un registre loin d'être humoristique. L'anaphore en « je » associé au double impératif a de quoi refroidir la salle, et si certain(e)s peuvent en rire, il ne s'agit certainement pas d'un rire franc, mais bien plutôt d'un rire jaune. Nous retrouvons ce phénomène dans George Dandin, pièce qui frôle le drame, de par sa fin malheureuse. [...]
[...] Ainsi nous nous demanderons dans quelle mesure ces deux pièces complexifient le rapport de Molière au rire, en ne faisant pas que « rire contre », et en glissant même hors du rire, hors de la comédie classique. Pour cela, nous commencerons par voir que, dans ses deux pièces, comme le dit Marie Claude Canova Green, nous rions de l'altérité, de l'écart face à la norme. Puis, nous remarquerons que le « rire avec » est également présent chez Molière, de même qu'une multiplicité d'autres formes de rire. [...]
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