L'Ecole des femmes, La Critique de l'Ecole des femmes, Molière, place des femmes au XVIIe siècle, comédie burlesque, comedia dell'arte, Didier Bezace, Éric Vignier
Le 26 décembre 1662, Molière crée L'École des Femmes au théâtre du Palais-Royal. Cette pièce, considérée comme la première grande comédie du dramaturge, connaîtra un vif succès grâce, entre autres, à la querelle qu'elle anime. Molière l'entretient en faisant jouer La Critique de l'École des Femmes (1er juin 1663) et L'Impromptu de Versailles (14 octobre 1663). La querelle de l'École des Femmes touche autant à l'esthétique qu'à la moralité de la pièce, entraînant une véritable fronde littéraire, mondaine et religieuse.
La pièce offre une réflexion sociale et politique sur la place des femmes dans la société du XVIIe siècle, ce qui n'était pas au goût de tous. Encore aujourd'hui, si le débat ne porte plus sur les mêmes points, il se poursuit à travers les différentes analyses et mises en scène contemporaines qui offrent des interprétations multiples, relevant généralement la matière tragique sous-jacente au comique burlesque de la pièce.
[...] Molière fait la critique des Femmes Savantes à travers le personnage d'Arnolphe qui est un ridicule. Sans être complètement pour les salons précieux dont il dénonce les extrémités et les flatteries imbéciles dans grand nombre de ses pièces, Molière défend la liberté de la femme, de toutes les femmes. Partisan d'un juste milieu, son porte-parole serait plutôt Chrysalde y faut comme en tout fuir les extrémités » v. 1251), ou mieux encore, les sentiments eux-mêmes. Plutôt qu'avec des livres religieux et des doctrines austères (Arnolphe), plutôt qu'avec des beaux airs de salons et des livres d'esprit, Molière propose d'éduquer avec le cœur, avec l'amour « l'amour est un grand maître »). [...]
[...] Mais, ces appréciations sont plus claires aujourd'hui où l'égalité homme/femme est acceptée par tous (ou presque) et inscrite dans nos lois. Si Jacques Lassalle nous parle de « préalables un petit peu glauques », ce n'est pas pour rien : Arnolphe prend tutelle d'Agnès, car elle lui « inspira de l'amour ( ) dès quatre (v. 130). Lassalle nous dit aussi que « l'œuvre est terrible ». Dans une interview de 2011, il ajoute : « Molière sent le souffre », il suggère l'abîme, nous met face à des passions innommables. Le terrible drame, le tragique, est très présent dans l'amour qu'Arnolphe porte à Agnès. [...]
[...] (Nous savons que, même en tant qu'acteur, Molière était piètre tragédien ; était-ce pour lui une façon de se venger ?) Il y a cependant, plus qu'une simple moquerie du tragique : on commence à en jouer un peu le drame qui est dessous, je crois que c'est une chose très présente. » nous dit Jean-Paul Roussillon. Dans sa mise en scène de 1973 avec Isabelle Adjani dans le rôle d'Agnès, il s'intéresse au fond de la pièce plutôt qu'à sa forme. Il délaisse le comique originel pour creuser le véritable drame sous-jacent. Seulement, quel est-il, ce drame ? Dans sa mise en scène de 1999 à la Comédie- Française, Éric Vignier délaisse complètement le comique de situation pour se concentrer sur l'évolution psychologique des personnages et mettre en avant la beauté de la langue de Molière. [...]
[...] Ces deux sources sont issues de la littérature narrative donc. Le propre du théâtre est pourtant l'action, drama en grec. Mais Molière, tout en utilisant le comique de situation, place l'action davantage dans l'évolution psychologique et la peinture des caractères. L'intrigue est dérobée à la vue des spectateurs, ce sont les récits d'Horace (acte scène acte III scène acte IV scène 6 et acte V scène et d'Agnès (acte II, scène qui en rendent compte. L'intérêt du spectateur est ainsi déplacé, ce n'est plus le déroulement de l'action qui importe, mais bien la réaction d'Arnolphe qui se voit confident des deux amants qu'il aimerait séparer. [...]
[...] Seulement, l'amour ne se dicte pas, et il lui est impossible de charmer la jeune Agnès, tandis que « Horace en deux mots en ferait plus lui (v. 1606). Tout ce qu'il mettra en place pour protéger son aimée des bontés de son amant tombera à l'eau pour le grand plaisir des spectateurs : depuis le grès auquel Agnès joint une lettre, jusqu'à l'échelle qui permet à Horace de passer pour mort et de l'approcher. Nous sommes donc bien face à une comédie au sens le plus classique du terme, jusqu'au dernier alexandrin à la césure centrale : rendre grâce au Ciel/qui fait tout pour le mieux ». [...]
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