Quand Duncan Grant mourut, en 1978, à l'âge de 93 ans, il n'était pas seulement le seul survivant du groupe Bloomsbury d'origine, mais aussi de cette génération d'artistes britanniques dont les travaux avaient largement profité de l'expérience directe de l'avant-garde parisienne avant l'arrivée de la Première Guerre Mondiale. Grant avait non seulement contribué à introduire la peinture moderniste à l'intérieur d'une Angleterre réticente ; il était lui-même un moderniste significatif, dont les travaux méritent d'être considérés dans leur contexte international en même temps qu'en rapport à ses origines britanniques. Tout au long de sa vie, Duncan Grant a suivi tranquillement mais délibérément un sentier qui lui était propre, et en tant que peintre il s'est toujours situé légèrement à la marge de ses collègues plus littéraires. En fait, on peut affirmer que ses travaux seraient beaucoup plus connus, reconnus et appréciés s'il n'avait pas été associé d'aussi près à Bloomsbury et à sa fortune critique fluctuante. Peu d'artistes majeurs du XXe siècle ont en effet connu de si violents revirements de l'estime de la critique.
[...] Il était cependant un homme éminemment cultivé et un grand lecteur. Ainsi, une note dans un carnet donne la liste des ouvrages qu'il a lus au cours de l'été 1924 à Charleston. On y trouve L'Art français au XIXe siècle de Didier, Baudelaire, La Révolte du Bounty, Le Bal du Comte d'Orgel de Radiguet et l'essai de Macaulay sur Milton, Frédéric le Grand et Madame d'Arblay. Une autre note précise que l'été suivant il lut les poèmes de Gray, les mémoires d'Hector Berlioz, Le Dit du Genji, la vie d'Ingres par Delaborde, la vie de Mrs Gaskell par Charlotte Brontë et un roman de Frazer. [...]
[...] Tout au long de sa vie, Duncan Grant a suivi tranquillement mais délibérément un sentier qui lui était propre, et en tant que peintre il s'est toujours situé légèrement à la marge de ses collègues plus littéraires. En fait, on peut affirmer que ses travaux seraient beaucoup plus connus, reconnus et appréciés s'il n'avait pas été associé d'aussi près à Bloomsbury et à sa fortune critique fluctuante. Peu d'artistes majeurs du XXe siècle ont en effet connu de si violents revirements de l'estime de la critique. Dès ses premières années, Duncan Grant subit l'influence des arts européens. Adolescent, il copiait les oeuvres de Masaccio et de Piero della Francesca en Italie. [...]
[...] Après le livre de référence qui lui fut consacré par Raymond Mortimer en 1944, plus aucun ouvrage ne fut publié sur Duncan jusqu'à son 90e anniversaire. A cette occasion, une petite exposition de ses travaux fut organisée à la Tate Gallery. 1914, écrivit Raymond Mortimer en se penchant sur la carrière de Duncan, quand son attitude amicale, son charme sa beauté et sa conversation originale le rendaient sympathique même à ceux qui trouvaient ses oeuvres trop modernes pour être compréhensibles, le jaloux D.H. Lawrence le décrivit comme une abeille noire. Depuis lors, je n'ai jamais entendu parler de quiconque le déteste. [...]
[...] Sous cette perspective, le travail de Grant prend une importance nouvelle du fait du refus de l'artiste de souscrire aux conventions fondamentales des esthétismes des premières années du XXe siècle. Toute sa carrière peut se lire comme une série de résolutions temporaires de la division moderniste orthodoxe entre les Beaux-Arts et le design, une résolution jamais vraiment résolue mais qui fonde le message intrinsèque de l'oeuvre de Duncan. Hélas une vision bien ancrée dans les esprits présente les membres du Bloomsbury comme des excentriques sans beaucoup de profondeur et nuit à la compréhension de l'oeuvre de l'artiste, jetant un voile d'obscurantisme sur des décennies d'un travail pourtant particulièrement riche entre le studio et la maison. [...]
[...] Mais surtout, c'est la restauration, après sa mort, de la maison de l'artiste, Charleston, et son ouverture au public, qui ont commencé de rendre pour la première fois Duncan Grant accessible à un plus grand public. A Charleston, on peut admirer ses peintures, ses objets d'art, ses poteries et son travail de designer dans le type d'environnement pour lequel ils furent conçus, comme des éléments d'un ensemble esthétique cohérent, impliquant l'artiste dans chaque aspect d'un intérieur. Angelica Garnett explique que ses parents, Vanessa Bell et Duncan Grant «n'affectaient pas l'éclat soutenu déployé par leurs amis et relations. [...]
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