Lorsque Darcy rencontre Elizabeth pour la première fois, il affirme à son égard : « She is tolerable ; but not handsome enough to tempt me ». C'est donc sur une litote, c'est-à-dire sur une technique langagière fondée sur la dissimulation que débute Pride and Prejudice, annonçant ainsi que le roman de Jane Austen sera placé sous le signe de la duplicité et de l'artifice. La duplicité est en effet le caractère de ce qui ne se montre pas tel qu'il est.
Pourtant, de par son titre et son appartenance conjointe au genre de la Romance et du Bildungsroman, Pride and Prejudice semble plutôt moins synonyme de duplicité que de dualité, cette dernière se définissant comme le fait d'être constitué de deux composantes différentes. La surface lisse et l'architecture maîtrisée du texte remet en cause l'idée selon laquelle le roman serait source de contradictions et d'ambiguïtés.
Dans ces conditions, on peut se demander si Pride and Prejudice emprunte à l'esthétique de la dualité ou de la duplicité. Le langage présente-il intentionnellement une apparence différente de ce qu'il signifie réellement dans le roman de Jane Austen et dans le film de Joe Wright ?
[...] Le fils a remplacé le père, ce qui souligne l'aspect moribond de la société aristocratique. Le film de Joe Wright semble toutefois moins sévère à l'égard des personnages masculins. Dans la dernière scène du film, Mr Bennett verse une larme, dans la veine de l'esthétique sentimentaliste. L'aspect dualiste du roman, fondé sur l'équilibre entre la romance et le Bildungsroman semble lui-même infléchi. Les rituels sociaux, c'est-à-dire les évènements où la société montre son propre fonctionnement (bals, dîners) sont ainsi mis à mal. [...]
[...] Le nouveau contrat éthique fondé sur la raison, promu par le mariage de Darcy et Elizabeth s'accompagne d'un nouveau contrat de lecture puisque le lecteur est appelé à décoder l'esthétique de la duplicité. Le texte s'ingénie en effet à tromper nos attentes et à nous obliger à modifier notre perspective de lecture. Il dévoile de façon métatextuelle, les ficelles de sa propre progression comme en témoigne l'expression : As for Wickham and Lydia, their characters suffered no revolution Le terme character rappelle ainsi que Wichkam et Lydia sont deux simples acteurs. [...]
[...] Enfin, nous analyserons en quoi la duplicité sert à renforcer l'ordre dualiste établi, pour peu que celui-ci soit fondé sur la raison. Pride and Prejudice décrit une société hiérarchique dualiste différenciant l'aristocratie des autres classes sociales, dont la bourgeoisie gentry à laquelle appartient Elizabeth. L'aristocratie est perçue comme sclérosante et archaïque, car elle étouffe l'individu en l'obligeant à se soumettre à une étiquette sociale rigide. Lady Catherine de Bourg apparaît comme le parangon de ce groupe social, comme en témoigne sa maîtrise de la rhétorique de l'autorité (modaux, impératifs, questions rhétoriques). [...]
[...] En conclusion, il semble que Pride and Prejudice aurait pu s'intituler Duality and Duplicity tant les deux esthétiques sont prégnantes dans le livre de Jane Austen et dans le film de Joe Wright. Les deux œuvres promeuvent un anti-jacobinisme éclairé c'est-à-dire un équilibre entre conservatisme et modernité. Toutefois, la duplicité semble moins présente dans le film de Joe Wright, qui privilégie le langage du corps à celui des mots. Le corps trahit les mots et révèle les vrais sentiments des personnages, comme en témoigne la scène de la première demande en mariage. Dans ces conditions, le travail demandé au spectateur est moins contraignant que celui exigé au lecteur de Jane Austen. [...]
[...] Dans le film, l'énergie devient le marqueur de classe qui sépare les personnages les plus riches des autres, comme en témoigne la venue d'Elizabeth à Netherfield lorsque sa sœur est malade. L'énergie physique de l'héroïne, soulignée par sa robe tachée de boue et ses cheveux détachés contraste avec l'immobilisme de Darcy et de Miss Bingley, présenté en arrière-plan, telles des statues. L'aspect dualiste de la société semble mimé par la structure du roman. L'architecture de Pride and Prejudice se divise en deux parties qui s'articulent autour de la demande en mariage au Volume II, XI. [...]
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