Don Juan, acte I, scène II, auto-portrait, séducteur, libertinage amoureux
A la scène I de l'acte I de Don Juan, le public avait droit à une présentation indirecte du personnage éponyme par le biais de son valet, Sganarelle. Sganarelle avait en effet expliqué au serviteur de Dona Elvire (et, grâce au phénomène de la double énonciation, aux spectateurs) le caractère séducteur de son maître : « Il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui » et avait supposé que Don Juan avait abandonné sa femme, Dona Elvire, pour de nouvelles amours. Ce portrait était péjoratif, mais également comique « Il ne croit ni Dieu ni diable ni loup-garou » « un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique. » A la scène II, Don Juan avoue à son valet qu'en effet, il s'est lassé d'Elvire et se lance dans un portrait de sa propre personne. Ce portrait est fait sur un ton cette fois-ci solennel et mélioratif : Don Juan vante sa personne et son mode de vie.
[...] Don Juan commence donc par résumer la position de Sganarelle, pour la fidélité contre le libertinage amoureux : Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce pour lui et qu'on ait plus d'yeux pour personne ? - Il dévalorise immédiatement cette position, en la présentant de manière négative comme une mort, comme le montre l'usage du verbe s'ensevelir et plus clairement être mort L'honneur de la parole donné est qualifié de faux ce qui est également péjoratif. [...]
[...] Don Juan résume donc ici ce que nous appelons un don juan : un homme qui séduit de multiples femmes, qui préfère séduire que garder, qui n'éprouve pas d'amour réel mais qui n'hésite pas à le feindre, et qui au final ne recherche que son propre plaisir. Cependant, ce portrait qui pourrait être négatif est dans la bouche du personnage éponyme, extrêmement valorisant. II/ Un portrait valorisant La métaphore militaire -La première chose qui fait que ce portait est valorisant est l'usage d'une métaphore filée de la conquête amoureuse comme d'une conquête militaire. [...]
[...] -Il fait également mention de la nature : rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige il s'agit d'une obligation, d'un quasi-devoir, comme s'il n'y pouvait rien et que ce n'était pas son choix. De la même manière, la justice est évoquée : les justes prétentions qu'elles ont sur notre cœur. =Habileté rhétorique extrême de Don Juan qui se présente comme quasi forcé de séduire, ne faisant rien d'autre qu'obéir à une loi naturelle et juste qui s'impose à lui. [...]
[...] -Don Juan se moque donc de ceux qui sont de l'avis de Sganarelle. Il ne partage pas leurs valeurs d'honneur, de fidélité, de respect de la parole donnée. On le voit également dans la manière dont il parle des scrupules des jeunes filles qu'il veut séduire : on voit qu'il ne partage pas du tout ces scrupules : la pudeur n'est pas respectée, les résistances sont qualifiées familièrement de petites L'expression les scrupules dont elle se fait un honneur est révélatrice : Don Juan ne pense pas lui qu'il y a honneur à avoir des scrupules. [...]
[...] Il y aurait les hommes (séducteurs) et les femmes (devant être séduites) et indirectement, Don Juan appelle son interlocuteur à se placer dans son camp. Le portrait de Don Juan par lui-même, valorisant, emphatique, narcissique même est bien différent de celui fait par Sganarelle. On voit ici comment Don Juan sait se mettre en scène et à quel point il maîtrise l'art de la parole, non seulement pour séduire les belles, mais aussi pour convaincre son interlocuteur. Témoin en est la réaction de Sganarelle qui ne saura plus que dire et s'exclamera, ahuri : Vertu de ma vie, comme vous débitez ! [...]
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