De nombreuses conceptions de la poésie se sont développées de l'antiquité jusqu'à nos jours effectuant une redéfinition permanente des critères de la poésie, de ses buts, et de sa fonction. En effet, du poète aède, permettant la mémoire des civilisations, à la théorie parnassienne de « l'art pour l'art » selon Gautier, il est aisé de remarquer que les critères n'ont cessé d'évoluer et de transfigurer l'art poétique. Cependant, la théorie énoncée par Mallarmé dans la Réponse à l'enquête de Jules Huret fut déterminante pour les générations de poètes qui vinrent après lui, et sa conception renouvela radicalement les champs de la poésie, son intérêt et sa fonction au sein de la société. Ainsi Mallarmé écrit-il:" Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu: le suggérer, voila le rêve... Il doit y avoir toujours énigme en poésie et c'est le but de la littérature - il n'y en a pas d'autre - d'évoquer les objets." C'est ainsi avec Mallarmé que la "suggestion" devient le fondement de la poétique anti-réaliste et fait du symbolisme un impressionnisme littéraire. C'est ainsi pour comprendre l'intérêt majeur de cette thèse de Mallarmé que nous nous attacherons à voir que si la conception de ce poète semble réductrice en fixant pour seul objectif pour la littérature, celui d'évoquer, il n'en demeure pas moins qu'elle souligne l'importance du pouvoir de la suggestion et de l'énigme en poésie. Cependant, nous verrons alors que la distinction entre le fait de nommer et celui d'évoquer qui semble si marquée, peut alors s'effacer en soulignant l'importance et le pouvoir de suggestion et d'évocation que peut apporter l'usage du nom dans les poèmes
[...] Cependant, par diverses techniques telles que celle du mot valise le poème peut alors garder son pouvoir d'évocation. Ainsi, après Hugo qui défendait en poésie l'emploi des mots les plus courants, Claudel recommande alors dans Cinq grandes odes, l'emploi d'un vocabulaire ordinaire : Les mots que j'emploie, ce sont les mots de tous les jours, et ce ne sont point les mêmes! / Vous ne trouverez point de rimes dans mes vers, ni aucun sortilège. Ce sont vos phrases mêmes [ . [...]
[...] Reprenant le Mythe d'Orphée, cette conception de la poésie pose alors le poète comme le seul être capable d'examiner les tréfonds invisibles de notre existence commune. Rimbaud soulignera cette vision du poète dans la Lettre du voyant dans laquelle il dit: Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau/ Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?/ Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau! Cependant, pour privilégier ce rêve, ce mystère et cette suggestion, le poète utilise de multiples techniques poétiques pour remédier à la dénomination des poètes qui ont préféré décrire le monde qui les entourait avec le lexique le plus précis pour leur idée, telle Ponge. [...]
[...] En effet, les partisans de l'art pour l'art qui, comme Leconte de Lisle, chef de file du mouvement parnassien, prônent une poésie de retour vers le passé, poésie qui souhaite faire revivre le passé par la documentation c'est-à-dire l'union de l'art et de la science qui s'oppose à la liberté et à l'importance donnée par Mallarmé dans sa conception de la poésie comme une intrigue que le lecteur doit résoudre par un travail de son imagination. Ainsi, le culte de la beauté entraîne le poète à choisir avec rigueur ses termes, de manière ce qu'ils correspondent le plus possible à la réalité à exprimer. [...]
[...] Ainsi déclare-t-il dans le préambule du livre IV : C'est que d'abord je donne de grandes leçons, et tâche de dégager l'esprit des liens étroits de la superstition; c'est aussi que sur un sujet obscur je compose des vers lumineux, le parant tout entier des grâces de la Muse. De même, Virgile abordait auparavant la vocation didactique de la poésie dans les Géorgiques, poème qui est beaucoup moins un traité d'agriculture, qu'un poème sur l'agriculture dans lequel il aborde successivement la culture des champs, l'arboriculture, l'élevage et l'apiculture. [...]
[...] De nombreux poètes se sont ainsi évertués à décrire aussi rigoureusement que possible la réalité qui les entourait, dans tous ses détails, par l'usage de dénominations très précises et ainsi essentielles dans le but de transmettre la connaissance la plus fine possible. La poésie n'est ainsi pas seulement une évocation des choses mais également une description des choses amenée par de nombreuses dénominations qui, si elles limitent l'importance de l'imagination dans sa fonction de cerner l'objet dont il question, permettent grâce à l'impact de la poésie sur les sentiments des personnes, de transmettre les connaissances d'une manière à la fois originale et profonde. [...]
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