« Fille donnée en échange, sœur vendue, c'est toujours l'homme qui décide du destin de la femme »
Vous confronterez à votre lecture de la Place Royale cette réflexion concernant les comédies de Corneille.
Dans l'adresse qu'il destine à Monsieur, Corneille avoue lorsqu'il présente Alidor que « Le héros de cette pièce ne traite pas bien les dames, et tâche d'établir des maximes qui leur sont trop désavantageuses ». En effet, dans La Place Royale, la « fille donnée en échange », n'est autre qu'Angélique l'amante d'Alidor qu'il offre généreusement à son ami Cléandre pour gagner en retour, sa « liberté ». Et bien qu'il n'y est pas à proprement parler de « sœur vendue » nous pouvons néanmoins voir que le mariage de Phylis et de Cléandre se négocie à la fin de la pièce entre celui-ci et le frère de la jeune fille. Si bien que « c'est toujours l'homme qui décide du destin de la femme » c'est-à-dire qu'aux yeux de l'univers masculin de la comédie, la femme en tant que fille, amante ou sœur, n'a pas d'autonomie, elle dépend de ce que veut l'homme et est sujette à ses désirs. La femme doit régler sa conduite sur ce que l'homme décide, et son destin dépend avant tout du plaisir de l'homme.
Pouvons nous voir dans la Place Royale que le destin d'une femme dans la comédie rime avant tout avec le sort qui lui est réservé pas son frère, son amant ou son père ?
[...] Revanche personnelle ? Elle n'hésitera pas non plus à lui avouer qu'elle l'a manipulé pour mieux exercer sa vengeance (acte IV, sc. Je t'acquis par dépit, et perdrais avec joie. Mon désespoir à tous m'abandonnait en proie, Et lorsque d'Alidor je me vis outrager, Je fis armes de tout afin de me venger. Tu t'offris par hasard, je t'acceptai de rage; Elle finira néanmoins par s'excuser, et ira même jusqu'à dire à Doraste qu'il est le seul à avoir sa foi. [...]
[...] La femme est un objet aux mains des hommes, et un symbole de leur puissance : celui qui réussira à lui imposer le destin qu'il aura choisi aura la reconnaissance de sa puissance. Alidor périrait s'il ne réussissait pas à l'offrir à Cléandre. Si bien que la femme devient celle dont on se sert pour parvenir à ses fins. L'homme non seulement décide du destin de la femme, mais il le fait dans le but de satisfaire son propre plaisir. En échangeant Angélique, Alidor gagne en retour sa liberté. C'est donc pour son bon plaisir, pour avoir l'esprit tranquille en se disant qu'il ne sera plus captif qu'il décide du sort d'Angélique. [...]
[...] Il nous faut de tout point vivre à sa fantaisie, Souffrir de son humeur, craindre sa jalousie, Et de peur que le temps n'emporte ses ferveurs, Le combler chaque jour de nouvelles faveurs: On dispose de nous sans prendre notre avis; Phylis est bien consciente que les hommes dominent et fait ouvertement savoir son opposition à tous, et particulirement à Cléandre : Est-ce à moi, s'il vous plaît, de vivre à votre mode? Votre amour, en ce cas, serait fort incommode: Loin de la recevoir, vous me feriez la loi. Qui m'aime de la sorte, il s'aime, et non pas moi. Celui-là, sera bien contraint d'admettre, quelques actes plus loin il la faut suivre Ainsi, c'est ici Phylis qui change le destin des hommes. C'est Cléandre qui la suit et non l'inverse. Ce n'est point elle qui est soumise. [...]
[...] Elle laisse en effet ses parents choisir pour elle celui qu'elle épousera. Néanmoins, elle demande à son frère Doraste d'accepter son choix. Nos deux jeunes filles semblent donc ne pas avoir de problème à suivre l'avis de leurs amants ou de leurs parents. Mais accepter de laisser les autres guider ses pas est-ce pour autant ne pas avoir de volonté et se laisser dominer sans répliquer, sans envie d'indépendance ? Les jeunes filles ne semblent pas pour autant se laisser faire dans toutes les situations qui ne leur conviennent pas. [...]
[...] Ciel, qui m'en vois donner de si justes sujets, Donne-m'en des moyens, donne-m'en des objets. Où me dois-je adresser? qui doit porter sa peine? Qui doit à son défaut m'éprouver inhumaine? Ciel, encore une fois, écoute mon envie: Ote-m'en la mémoire, ou le prive de vie; Angélique s'en remet au ciel et non à elle-même dans son constant besoin d'être guidée. Elle ne parait pas vouloir être libre de choisir, la liberté étant un état redoutable et inquiétant pour la femme vivant dans une telle société. [...]
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