La notion de « Texte » a un acte de naissance : on la trouve pour la première fois chez Stéphane Mallarmé en novembre 1885 dans une lettre à Paul Verlaine qui lui a demandé des renseignements sur sa vie. L'ambition de l'écriture est au creux de la pensée de Stéphane Mallarmé, et le « Texte » prend ici écrit une majuscule significative de son importance. De Stéphane Mallarmé à Marguerite Duras, naît et se développe une écriture que nous appellerons « moderne ». Il existe donc une corrélation de pensée entre ces deux auteurs qui fait que Marguerite Duras ne renie pas la conception mallarméenne de «Texte » et l'accepte, l'applique aussi dans une certaine mesure
[...] Mais à la rigidité mallarméenne, Marguerite Duras oppose un éclatement, une étincelle de vie et de folie qui peut faire voler en éclats le dogme mallarméen. L'écriture, chez Marguerite Duras, reste celle de l'apparition, l'instant magique où l'écriture se livre sans retenue, celle des émotions et des sensations et celle, bien avant tout, bien au-delà, du désir. On écrit avec son désir et ne j'en finis pas de désirer disait Roland Barthes. [...]
[...] Stein pourrait être le symbole de cette écriture qui oscille toujours entre la folie et la raison. Dans Le Ravissement de Lol V.Stein, Marguerite Duras montre bien que la littérature n'est plus celle des grandes envolées lyriques ni de l'épanchement. Cependant, dans Ecrire, elle écrit ceci : Ce sont des émotions de cet ordre, très subtiles, très profondes, très charnelles, aussi essentielles, et complètement imprévisibles qui peuvent couver des vies entières dans le corps. C'est ça l'écriture Marguerite Duras écrit cette phrase à propos de la mort du jeune aviateur. [...]
[...] Il y a toujours le souci du nombre mathématique. Stéphane Mallarmé écrit : quiconque écrit tente d'écrire le Livre Marguerite Duras n'a-t-elle pas écrit le même livre sous des visages différents ? Exactement le même livre, programme qu'elle expose dans Emily page 81 : Qu'il n'y avait qu'un seul poème à atteindre à travers toutes les langues, toutes les civilisations C'est ce que croit Emily c'est ce que croit Marguerite Duras. Stéphane Mallarmé achève sa notion de Texte par une définition du sens : Donc, ce qui a été tenté dans mon travail personnel sera anonyme, dit-il, le Texte y parlant de lui-même C'est une excellente définition de la notion de Texte. [...]
[...] Cependant, ne serait-ce pas fausser la pensée durassienne que de la limiter à cette idée mallarméenne de Texte ? Marguerite Duras ne va-t-elle pas plus loin dans sa réflexion ? N'y a-t-il pas un dépassement effectué par Marguerite Duras, pour qui la notion d'écriture succède à celle de Texte ? La machinerie de langage réside dans le fait qu'on trouve chez Marguerite Duras deux niveaux de narration ou deux langages. Dans Le Ravissement de Lol V.Stein, se trouve un premier niveau, celui du sensible où l'histoire de la narration conserve sa dimension affective. [...]
[...] La littérature cesse d'être lyrique et romantique, elle se replie sur ses fonctionnements. D'ailleurs, le lecteur peut en avoir pour preuve l'importance que Marguerite Duras donne à l'onomastique, qui suppose une préméditation, et au nombre mathématique, qui suppose une construction. Chez Marguerite Duras, les noms fixent des notions, arrêtent du sens, déterminent des mesures ; notions, sens, mesures qui vont permettre de bâtir un univers imaginaire, un univers de fiction. Un nom pour Marguerite Duras détermine déjà tout un programme. [...]
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