"La fonction de l'écrivain est que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s'en puisse dire innocent". C'est ainsi que Jean-Paul Sartre définit sa tâche dans "Qu'est ce que la littérature?", oeuvre parue en 1948. Il tente également, dans cet ouvrage, de proposer une méthode afin de réussir à faire découvrir ce monde. Il analyse pour ce faire le rapport entre l'auteur et le lecteur en précisant que l'œuvre d'art est valeur parce qu'elle est appel". Les valeurs peuvent se comprendre sur le plan esthétique, elles correspondent alors à ce qui mérite le respect ou l'estime, et sur le plan éthique en étant ce qui est reconnu comme universel et moral. Il appartient donc au lecteur de les définir en: "men[ant] à bien l'entreprise [...] commencée" par l'écrivain. Pour cela ce dernier doit considérer son lecteur comme une "liberté pure" à qui il ne doit pas imposer sa vision. Pour respecter cette neutralité et permettre un "recul esthétique" nécessaire à la découverte des valeurs, l'auteur ne peut pas susciter de passions chez ses lecteurs, il ne doit pas "l'affecter" mais le laisser utiliser sa raison. La lecture peut ainsi devenir "un exercice de générosité" dans lequel le lecteur fait "le don de toute sa personne" pour évaluer le texte et en extraire ses propres valeurs. L'écrivain va "dévoiler le monde" qu'il faudra interpréter. Sartre se pose ainsi la question de la communication au sein de l'œuvre d'art et, en particulier, du texte littéraire. Comment l'écrivain peut-il transmettre efficacement ses valeurs pour que le lecteur les comprenne?
[...] Sartre se pose ainsi la question de la communication au sein de l'œuvre d'art et, en particulier, du texte littéraire. Comment l'écrivain peut-il transmettre efficacement ses valeurs pour que le lecteur les comprenne? Il est intéressant, dans un premier temps, de montrer l'efficacité d'une lecture d'interprétation puis, dans un deuxième temps, de s'attacher aux oeuvres qui expriment clairement leurs valeurs et enfin, dans un troisième temps, de s'interroger sur la possibilité d'un équilibre entre équivocité des valeurs et réception du lecteur. [...]
[...] Cette vision de l'acte littéraire confère un "pur pouvoir créateur" au lecteur, selon Sartre. Il peut, en effet, créer son propre système de valeurs sans être manipulé par l'auteur et ses effets de style produisant "des émotions de peur, de désir ou de colère". Le texte fait "appel" au lecteur, le place sur un pied d'égalité et ne tente pas de corrompre son jugement. La lecture est alors une stimulation de la réflexion qui permet l'accès à des clefs de compréhension mais qui n'impose pas de vision univoque. [...]
[...] D'une autre façon, Giraudoux illustre sa vision de la situation européenne avant la Seconde Guerre mondiale en représentant deux systèmes de valeurs totalement antagonistes, le camp de la paix et celui de la guerre, dans La guerre de Troie n'aura pas lieu. Les pacifistes, Hector, Andromaque et Hécube ne sont pas vainqueurs face aux bellicistes, Ulysse et Démokos, bien que Giraudoux semble soutenir le camp de la paix. L'auteur exprime donc ses valeurs mais il privilégie la représentation du monde. [...]
[...] En affirmant des valeurs claires, l'écrivain donne une matière à son public qui peut l'analyser. Sartre n'exclut pas totalement le recours à des procédés d'argumentation, il signale simplement qu'il ne faut pas les utiliser "d'emblée". Il est donc possible d'afficher sa thèse, d'argumenter en sa faveur si l'écrivain ménage une dimension critique. De nombreuses formes littéraires permettent à l'auteur d'exprimer ses valeurs sans être trop présent dans son texte donc en acceptant un avis adverse. Il est à noter que bon nombre d'œuvres littéraires, qui ont troublé le public à cause d'un sens jugé sibyllin, ont été vouées aux gémonies. [...]
[...] Quantité de lecteurs n'avaient pas saisi la position morale de ces deux auteurs. La littérature engagée, qui est illustrée par tous les genres, permet de mettre en lumière les valeurs de l'auteur. Des formes telles que la satire, le théâtre d'idées, la poésie engagée ou encore le roman à thèse sont le lieu de l'expression de l'écrivain quant à ses valeurs sans pour autant refuser tout droit de réponse à ce qui est attaqué. Il s'agit de textes moins univoques que les manifestes, les pamphlets ou que l'essai. [...]
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