« Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables,
sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s'expliquer par les lois de ce
même monde familier. Celui qui perçoit l'événement doit opter pour l'une des deux solutions
possibles : ou bien il s'agit d'une illusion des sens, d'un produit de l'imagination et les lois du
monde restent alors ce qu'elles sont ; ou bien l'événement a véritablement eu lieu, il est partie
intégrante de la réalité, mais alors cette réalité est régie par des lois inconnues de nous. Ou
bien le diable est une illusion, un être imaginaire ; ou bien il existe réellement, tout comme
les autres êtres vivants : avec cette réserve qu'on le rencontre rarement.
Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu'on choisit l'une ou l'autre
réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux.
Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles,
face à un événement en apparence surnaturel. » Tzvetan Todorov [1970]
[...] Les films de Peter Jackson adaptés de La communauté de l'anneau, Les deux tours, Le retour du roi de J.R.R Tolkien ou, encore plus récemment Games of Thrones de Georges R. Martin adaptée en série au succès international par David Benioff et D.B. Weiss en sont des exemples paradigmatiques. Si le romantisme a particulièrement pensé les rapports d'identité et d'altérité problématiques grâce à la catégorie du « fantastique », peut-on affirmer que la question a tant préoccupé la fin du siècle passé ? [...]
[...] En galopant près d'une ruine ombragée de sapins, parmi lesquels une cascade se précipitait du haut d'un grand mur de porphyre, il crut retrouver le château de Nideck. Puis il vit courir rapidement à sa gauche des montagnes qui lui parurent être les basses Vosges ; il reconnut successivement à la forme de leurs quatre sommets le Ban-de-la-Roche, le Champ-du-Feu, le Climont et l'Ungersberg. Un moment après il était dans les hautes Vosges. En moins d'un quart d'heure son cheval eut traversé le Giromagny, le Rotabac, le Sultz, le Barenkopf, le Graisson, le Bressoir, le Haut-de-Honce, le mont de Lure, la Tête-de-l'Ours, le grand Donon et le grand Ventron. [...]
[...] Dans des moments si terribles, ce doit être un grand effort et c'est, à coup sûr, un grand mérite que de jeter son âme jusqu'à Dieu et son coeur jusqu'à sa maîtresse. C'est ce que faisait dévotement le brave chevalier. Il songeait donc au bon Dieu et à Bauldour, plus encore peut-être à Bauldour qu'au bon Dieu, quand il lui sembla que la lamentation du vent devenait comme une voix et prononçait distinctement ce mot : Heimburg ». Ce passage de la légende est symptomatique puisqu'il contient, en lui seul, les clefs pour comprendre le phénomène de parodie à l'oeuvre dans La Légende. [...]
[...] N'en est-il de même dans des oeuvres dites merveilleuses ? Le Chevalier au Lion, examiné précédemment, ne présente-il pas, selon d'autres modalités, une manière pour le héros de réfléchir (à) son identité en posant la question autour de la dialectique humanité-bestialité lors de l'épisode de la folie dans la forêt de Brocéliande ? Merlin, personnage imaginaire et profondément duel, ne thématise-t-il pas cette même ambigüité fondamentale ? En cela, le fantastique n'est-il pas une catégorie de pensée qui prendrait le relais du merveilleux, sans pour autant l'avoir tout à fait supplanté ? [...]
[...] Il utilise la merveille comme on utilise des symboles. L'emploi qu'il en fait est destiné à transmettre des vérités plus profondes car la merveille ne saurait être purement gratuite. Prenons l'exemple de la forêt, lieu essentiel dans la trame et la diégèse du roman en ce qu'elle représente l'endroit où s'opère la transformation du héros, après qu'il a honteusement délaissé sa dame au profit d'aventures chevaleresques, entraîné qu'il est par Gauvain. La forêt où Yvain, uen fois devenu fou, se réfugie est un lieu originel, un lieu de solitude, un endroit propice au retour sur soi comme l'est un lieu de régression utérine en termes psychanalytiques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture