Solitaire ou partagée entre amateurs, la lecture de romans peut devenir un « outil de liberté » intérieures d'autant plus précieux qu'elle est faite dans un contexte d'enfermement ou de répression (...)
[...] En effet, les adolescents seraient plus attirés par les nouveaux médias, les nouvelles technologies qui peuvent paraître plus interactifs. Pourtant J.Guéhenno, dans ses Carnets du vieil écrivain, publié en 1971, utilise une métaphore pour faire l'éloge de la lecture : Un livre est un outil de liberté affirme-t-il. Nous nous demanderons si le livre, comme le prétend l'auteur est toujours pour le lecteur, un moyen de s'affranchir. Dans un premier temps nous examinerons en quoi la lecture a-t-elle des pouvoirs émancipateurs. Puis, nous verrons que, cependant, dans certains cas, la lecture peut-être aliénante. [...]
[...] Réelle ou imaginaire, durable ou provisoire, la métamorphose du lecteur est le résultat du processus bien connu de l'identification à des héros fictifs, que décrivent tous les textes étudiés et que Jean Guéhenno définit ainsi : Ces mots, qui sont aussi vos mots, comme par l'effet d'un charme, sont doués soudain d'un nouveau pouvoir, et vous êtes curieusement débarrassé de vous-même et devenu un autre, plus fin, plus délicat, plus profond que vous-même. Vous êtes dans le monde où vous aimeriez vivre, mais vous n'aviez jamais imaginé qu'il ne pût être si beau. Force libératrice de l'imagination, ou exercice salutaire contre l'oppression, la lecture de romans, est souvent assimilée à un moyen magique ou à un charme qui transporte et transforme le lecteur. [...]
[...] C'est ce que dénoncent ironiquement Flaubert et Sartre dans les textes du corpus. L'un tourne en dérision les poncifs des romans à l'eau de rose ou les représentations historiques à la Walter Scott , dont se délecte Emma Bovary. Le second fait ressortir les préjugés colonialistes, voire racistes, qui foisonnaient dans ses lectures d'enfance. On notera toutefois que, dans les deux cas évoqués, les narrateurs sont doués du regard distancié et de l'ironie critique dont sont privés leurs personnages de lecteurs, captifs à force d'être captivés par leurs romans préférés. [...]
[...] On peut voir ainsi la lecture clandestine des romans interdits comme la résistance à la rééducation maoïste et à la barbarie dans le roman de Dai Sijie, la lecture de Robinson Crusoé comme une compensation providentielle à l'enfermement et à la punition dans L'Enfant. Une façon d'échapper à soi-même ou de se métamorphoser. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même dit encore Pennac dans le texte cité. En effet, lire des romans permet non seulement d'oublier momentanément les contingences et les contraintes du monde réel mais aussi les limites que nous imposent notre personnalité ou nos rôles de composition. [...]
[...] Toutefois, ces charmes de l'identification ne risquent-ils pas de changer l' outil de liberté en instrument d'aliénation ? II Y a-t-il des lectures aliénantes ? Les risques du bovarysme L'héroïne de Madame Bovary est devenue un type littéraire et même psychologique puisqu'on parle de Bovarysme pour définir un comportement névrotique : se projeter dans une vie imaginaire, rêver qu'on est un autre à partir d'idéaux stéréotypés, pour échapper à la médiocrité de l'existence réelle, en se condamnant ainsi à une perpétuelle insatisfaction. [...]
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