Depuis 1820 et l'édition de Duval, Montaigne est considéré comme un « sage » par toute une fraction de la population française et mondiale. Intronisé par l'enseignement public, il est à compter parmi ces « sept sages » de la « galerie des moralistes », édifiée pour permettre de "suivre toute l'histoire de la science de la morale en France"(Duval). Marie de Gournay pourtant, très proche de l'auteur périgourdin qu'elle considérait comme son père spirituel et qui consacra sa vie à éditer et rééditer l'œuvre des Essais (sa première édition date de 1595, et elle en donne de nombreuses entre 1611 et 1635), déclarait ainsi que « Ses compagnons [ceux de Montaigne] enseign[aient] la sagesse, il [Montaigne] désenseign[ait] la sottise ». Paradoxe évident entre l'opinion commune et celle de Marie de Gournay ; opposition non moins évidente entre cette œuvre singulière et celle de « ses compagnons ». Il semblerait en effet que les Essais de Michel de Montaigne ne se définissent que par contraste, par opposition à ce qu'écrivent les autres ; à l'auteur lui-même d'écrire dans le chapitre Du repentir (Livre III, chapitre II) « Les autres forment l'homme ; je le récite et en représente un… ».
Mais le propos de Marie de Gournay est bien problématique ; tout d'abord, pourquoi Montaigne se différencie-t-il de « ses compagnons » ? Et qui sont-ils ? Ce sont généralement des amis, des personnes « présentes aux cotés » de celui qui est perdu, qui a besoin d'être guidé, aidé. Pour Michel de Montaigne, il s'agit sans doute des poètes et auteurs antiques, essentiellement tout au moins, chez qui il tire son inspiration et la grande majorité de son propos ; Sénèque, Lucrèce, Sextus Empiricus, Platon, Epicure et autres, sont autant de « compagnons » pour l'essayiste bordelais. Mais surtout, pourquoi Montaigne dés-enseigne-t-il la sottise, tandis que les autres enseignent la sagesse ? Comment est-il possible de dés-enseigner quelque chose à quelqu'un ? Cette assertion sous-entend que la sottise a été enseignée, qu'elle est « en nous », qu'il est difficile s'en défaire ! On voit déjà quel lien avec la maïeutique socratique Montaigne peut entretenir, et les Essais semblent se profiler comme un texte d'apprentissage, faisant évoluer le lecteur sans le brider ni lui donner de réponse
[...] Ici encore la sagesse ne peut être enseignée, puisque Montaigne réfléchis pour lui- même, prends le contre pied de ses propres opinions Plus encore, Montaigne semble se refuser à enseigner la sagesse, en reniant les principes de rhétorique qu'il considère comme une marque de pédantisme (rien n'est pire pour l'auteur que le sot et le pédant) ; or, tout enseignement compris la pédagogie scolaire) est fondé sur une rhétorique. C'est ainsi qu'il ne fait pas attention aux titres de ses chapitres, qui n'en embrassent pas toujours la matière De nombreux critiques ont voulu lire dans Montaigne une sagesse cachée, qui serait difficile à trouver, mais présente dans l'ensemble du texte des Essais. Ce fut le cas, en 1820, avec Duval par exemple, qui voulut donner plus de cohérence aux chapitres, en en faisant ressortir les articulations . [...]
[...] Ainsi dans son édition, il préface chaque chapitre de sommaires qui dégagent les principaux thèmes abordés. Il avait pour but de rendre l'étude des Essais plus facile et plus compréhensible (Duval), construisant un véritable ‘Tableau analytique et raisonné' de lecture qui, semble t'il, avait également pour but de permettre les rapprochements entre les sept sages de la galerie des moralistes Un texte tout de même, fait référence dans cette volonté de trouver une sagesse enseignée de manière tacite chez Montaigne ; le De la Sagesse, de Pierre Charon, qui ‘remet en ordre' les chapitres des Essais, les classant par thème. [...]
[...] Jamais il ne transparaît les mêmes conceptions chez Montaigne, qui ne se considère pas comme un dominus mais plutôt comme un magister nous le verrons, non dogmatique. Il n'est pas pédant dans le sens où il se sentirait supérieur aux autres hommes, mais, tout au contraire, se veut humble, ayant conscience de sa petitesse, tout en affirmant que Chaque homme porte en lui la forme entière de l'humaine condition formule adaptée de celle de Térence, gravée sur la dix-neuvième poutre de la bibliothèque de Montaigne : Homo sum humani a me nihil alinéa put ; Homme je suis : rien d'humain ne m'est étranger. [...]
[...] Nul mal ici de lier Montaigne à la néscience, cette conception de la science consciente de ses propres limites, capable d'avouer son incapacité à élucider tous les mystères de la vie. Si Montaigne dés-enseigne la sottise, c'est en ‘forçant' son lecteur à chercher, à réfléchir, à adopter cette attitude sceptique qui consiste à ne rien poser comme véritable, mais à plutôt toujours être en recherche de vérité. Montaigne tient toujours à ce que son liseur soit en quête permanente, et c'est en cela qu'il dés-enseigne la sottise, c'est à dire qu'il désire voir son lecteur remettre systématiquement en cause tous ses préjugés, ses acquis . [...]
[...] Pour Michel de Montaigne, il s'agit sans doute des poètes et auteurs antiques, essentiellement tout au moins, chez qui il tire son inspiration et la grande majorité de son propos ; Sénèque, Lucrèce, Sextus Empiricus, Platon, Epicure et autres, sont autant de compagnons pour l'essayiste bordelais. Mais surtout, pourquoi Montaigne dés-enseigne-t-il la sottise, tandis que les autres enseignent la sagesse ? Comment est-il possible de dés-enseigner quelque chose à quelqu'un ? Cette assertion sous-entend que la sottise a été enseignée, qu'elle est en nous qu'il est difficile s'en défaire ! On voit déjà quel lien avec la maïeutique socratique Montaigne peut entretenir, et les Essais semblent se profiler comme un texte d'apprentissage, faisant évoluer le lecteur sans le brider ni lui donner de réponse. [...]
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