Dans Continuité des parcs, Julio Cortázar montre en quelques lignes comment un lecteur de romans qui se laisse prendre par l'illusion référentielle voit la fiction le mener à sa propre fin dans un récit qui se démarque par l'absence de conclusion tranchée : le meurtre dont le personnage central se repaît semble devenir le sien, dans une clausule lapidaire. Derrière cette courte nouvelle se pose la question de la relation qu'entretient chaque lecteur avec ce genre protéiforme qu'est le roman.
[...] Il en va de même pour l'ensemble de la production romanesque. Chaque parcours est marqué par des signaux qui proposent très tôt l'amorce du dénouement, parfois dans la polysémie d'un titre comme dans La Demeure d'Astérion, que seul décodera un cruciverbiste. Tout labyrinthe romanesque en effet suit un fil d'Ariane, une architecture une chaîne secrète dont parlait déjà Montesquieu dans sa seconde préface des Lettres Persanes. Pour Guy Larroux, l'aboutissement d'un roman est dans sa circularité, dans la nécessité de forcer le lecteur à une seconde lecture, éclairée par les éléments donnés lors des dernières pages. [...]
[...] Ils orientent la réflexion sur la notion de réussite ou d'échec. Dans L'œuvre, Emile Zola marque bien la fin d'une vie, d'une famille d'une carrière artistique. Il prédit l'oubli pour les impressionnistes et pour les artistes qui n'accordent pas assez d'importance à la notion de travail. Parfois le romancier peut jouer sur cet effet. Tel est le cas de Diderot qui propose avec une apparente désinvolture trois fins possibles à Jacques le Fataliste. Mais le lecteur se voit ainsi confronté à trois cadres qui correspondent à sa propre vision du récit. [...]
[...] » Le rythme binaire et les antithèses donnent la leçon de vie par la lutte et la solidarité. Pour celui qui affirmait « Si tu veux être philosophe, écris des romans », l'objectif est atteint et il a su mettre en garde les lecteurs contre la résurgence du mal. Madame de La Fayette termine également son roman La Princesse de Clèves en abandonnant son personnage central par un sommaire bâclé mais en insistant sur la dimension protreptique de son œuvre et les derniers mots résonnent comme une morale ; « Et sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertus inimitables. [...]
[...] De plus le roman est souvent enrichi par un jeu intertextuel qu'il convient de décoder. La parodie de la scène de rencontre entre Frédéric et Madame Arnoux en fournit un exemple dans L'Education sentimentale. Balzac suivait ses fiches, le lecteur doit composer les siennes pour se retrouver dans la lecture foisonnante de la Comédie humaine. Le souvenir de la fin de Robinson Crusoé est un outil précieux pour qui veut savourer Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Mais il reste un autre aspect fondamental qui rassure le lecteur et le conforte dans ses choix : le récit continue bien après que le livre a été refermé. [...]
[...] Chaque étape est un jalon que la lecture rétrospective met en évidence. L'adaptation à un environnement hostile se dévoile dans chaque détail que le lecteur ne remarque pas à la première lecture. La description de la ville de Verrières au début du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir, porte déjà toutes les données de cette ascension qui attend Julien Sorel dans la première partie de sa confrontation avec la société de son siècle. Roland Barthes pose dans cette confrontation entre les extrêmes d'un récit les fondements du structuralisme, comme clé de lecture signifiante de tout roman. [...]
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