Le roman, est un genre littéraire dont les limites sont difficiles à fixer ; sa principale caractéristique est cependant d'être un genre de la fiction, reconstituant un réel. Cette fictionnalité est sujette à polémique : certains font son éloge, d'autres l'assimilent au mensonge, et tous s'interrogent sur son sens, son utilité, comme Claude Abastado dans Mythes et rituels de l'écriture. Dans cet ouvrage, il se penche sur cette question du sens du roman et de la fiction : « A quoi bon des chimères qui ne contribuent ni à changer la société, ni à accroître le savoir ? ».
Cette citation présente un paradoxe, puisqu'on renie rarement l'effet que produit le roman sur le lecteur, même si l'on considère la fiction comme une manipulation et un mensonge. C'est ce paradoxe que nous allons présenter dans une première partie, après quoi nous expliciterons le point de vue critique adopté dans la citation, pour expliquer dans une dernière partie pourquoi le roman, parût-il vain et à bout de souffle, n'a pas épuisé toutes ses ressources.
Le roman, genre littéraire très large, a connu des sous-genres variés : le roman picaresque en Espagne, le roman fantaisiste au XVIe siècle avec Rabelais, l'épopée parodique, puis plus tard le roman réaliste, au XIXe siècle. Une des caractéristiques communes de ces subdivisions est le caractère fictionnel du récit : depuis l'apparition du roman, les auteurs puisent les intrigues de leurs oeuvres dans l'imaginaire. Dans sa citation, Abastado utilise le terme de « chimères » pour désigner les romans et leur fictionnalité. Hors le mot chimère induit la notion de vaine imagination ; les romans n'ont cependant cessé de se multiplier, suivant l'imagination des écrivains et la demande du public littéraire. C'est là une partie du paradoxe : pourquoi tant de romans si l'imagination déployée par les auteurs est vaine ? Il faut observer que le récit existe depuis l'apparition de l'humanité : en effet, l'homme a toujours éprouvé le besoin de donner un sens à sa présence au monde, à son expérience du temps et de l'espace, et le roman y répond en construisant un nouveau réel contenant un sens, et définissant l'homme ainsi que sa place dans le monde. La fiction contenue dans le roman suit pour cela des codes, il ne s'agit pas d'une imagination débridée et vaine (...)
[...] [ ] Si on n'a pas vu auparavant, ce n'est pas la représentation qui procurera le plaisir, mais il viendra du fini de l'exécution, de la couleur ou d'une autre cause de ce genre.». Ecrire est un art, car il s'agit de manier habilement la langue pour en tirer toute sa beauté, et la réussite de cette entreprise, c'est-à-dire d'écrire bellement et harmonieusement, participe du plaisir tiré de la lecture de romans. La Fortune des Rougon n'aurait pas rencontré un si grand succès si l'œuvre n'avait pas été rédigée par la plume de Zola : c'est la façon dont il l'a écrite qui lui confère une partie de son succès. [...]
[...] La lecture de roman est, comme nous l'avons montré, un véritable plaisir pour l'homme, qui se livre au processus de reconnaissance lié à la mimesis, apprend à apprécie la beauté d'un style bien tourné, et en même temps sait conserver une distance entre fiction et réalité et entre un beau discours et l'intention réelle qui le motive. Le roman éduque l'homme agréablement en lui donnant envie de s'instruire. Le plaisir de la fiction réside donc également dans l'apprentissage qu'elle offre. [...]
[...] Pourtant il est vrai que la fiction romanesque et le roman lui-même ont des aspects négatifs et présentent certaines faiblesses, qui peuvent provoquer une certaine déception chez le lecteur. Bien qu'il soit un lieu de partage entre écrivain et lecteur, le roman est un genre de la diégèse, et l'écrivain y insère une instance narrative, qui filtre la situation. Souvent, le lecteur ne reçoit pas une vision impartiale ou globale de la scène : le narrateur, ou parfois l'auteur, décide du champ de vision, de la focalisation, et possède un pouvoir lui permettant de manipuler le lecteur s'il le souhaite : le lecteur est dépendant de l'instance narrative, comme le montre Jacques le Fataliste, de Diderot, dès la première page. [...]
[...] Une des caractéristiques communes de ces subdivisions est le caractère fictionnel du récit : depuis l'apparition du roman, les auteurs puisent les intrigues de leurs œuvres dans l'imaginaire. Dans sa citation, Abastado utilise le terme de chimères pour désigner les romans et leur fictionnalité. Hors le mot chimère induit la notion de vaine imagination ; les romans n'ont cependant cessé de se multiplier, suivant l'imagination des écrivains et la demande du public littéraire. C'est là une partie du paradoxe : pourquoi tant de romans si l'imagination déployée par les auteurs est vaine ? [...]
[...] montre que l'auteur est libre d'entraîner le roman dans la direction qu'il souhaite, et donc de mener le lecteur où il veut, selon la loi de croisement des séries : une intrigue parmi de nombreux embryons aboutira à la fin du roman. Il est également libre de ne pas donner satisfaction à la curiosité du lecteur : Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait.». [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture