Diderot, Les Bijoux indiscrets, relativité des savoirs, Abramo-Vici
J.C. Abramo Vici, dans les éditions La Pléiade des Bijoux indiscrets de Diderot, affirme: « Par delà la réhabilitation du corps contre les anathèmes conjugués de la religion et de la philosophie, le roman affirme avec une discrète insistance la relativité des savoirs. ».
Cette dissertation a pour but d'expliciter l'affirmation d'Abramo-Vici. Nous montrerons que les Bijoux indiscrets est un roman qui, d'abord, brise le tabou du corps et du sexe imposé en partie par la philosophie et la religion, et ensuite qu'il a une portée philosophique considérable notamment sur la question de la connaissance.
[...] Finalement, Les Bijoux indiscrets est plus qu'un simple roman libertin et divertissant. Derrière un contexte lointain et orientalisant, Diderot place sa propre philosophie et ses critiques sur les mœurs de sa société en adoptant un ton léger et persifleur. Comme l'affirme Abramo-Vici, le corps prend une place prépondérante dans l'œuvre. L'auteur veut le réhabiliter dans cette société qui le cache hypocritement sous couvert de morale religieuse. En remettant le corps humain au premier plan et en bravant les tabous qui entourent la « matière charnelle », il se place en rupture avec la religion qui prône la chasteté et la pudeur. [...]
[...] Ce procédé est omniprésent dans l'œuvre et permet de se moquer efficacement des usages. Dans sa préface, Jacques Rustin affirme que « le caquet des bijoux est à prendre comme la mise en œuvre d'un insidieux projet de subversion, celle d'une société suffoquant sous le mensonge sexuel ». Il poursuit en disant que « le bijou fait entendre la voix de la nature et double le langage hypocrite, qui est de règle, par l'extravagance inouïe d'un discours enfin accordé aux pulsions de l'être ». [...]
[...] Cette relativité ne se voit pas que dans les sciences. Au chapitre XIII, « de l'opéra de Banza », on voit s'opposer deux musiciens ; Utmiutsol (qui serait Lully) et Uromifasolasiututut (qui serait Rameau). Tous deux sont admirés et possèdent des capacités différentes mais remarquables. L'auteur les met sur un pied d'égalité (autant d'adjectifs mélioratifs, autant de péjoratifs). On peut donc penser que pour lui, prendre parti pour Lully ou Rameau en affirmant qu'il est le meilleur est absurde, ce n'est qu'une question de goût. [...]
[...] Cet auteur aborde ici deux perspectives. D'abord celle de la réhabilitation du corps contre les anathèmes conjugués de la religion et de la philosophie, c'est-à-dire la manière dont Diderot brise le tabou du sexe, du charnel, et tout simplement des caractéristiques du corps humain. Il s'agit de réintégrer un corps physiologique qualifié « d'impur » ou de « mauvais » par la religion dans la société, qui prône plutôt la spiritualité et la pudeur. De la même façon, dans la lignée de Descartes, le corps est souvent dissocié de l'âme dans la philosophie, et il est relégué au second plan. [...]
[...] Dans l'article « Encaustique », Diderot déclare : « s'il arrive qu'une invention favorable au progrès de la science et des arts parvienne jusqu'à ma connaissance, je brûle de la divulguer ». Il est marqué par le scepticisme, et dans Les Bijoux indiscrets, il laisse une grande place à l'évolution des savoirs. Dans le chapitre IX « état de l'Académie des Sciences de Banza », des savants discutent du phénomène des bijoux parlants. Mais on voit aussi ressortir l'opposition entre cartésiens et newtoniens, que Diderot soutient. [...]
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