Contrairement aux quatre salons précédents, Diderot domine son sujet. Il perçoit plus nettement les chemins qui mènent des Beaux-Arts aux problèmes politiques et à l'interprétation de la nature. Le Salon de 1767 est le creuset où se préparent les grandes synthèses des années suivantes. De ce qui n'était encore qu'une contrainte dans les premiers comptes rendus imposés par Grimm est sortie une œuvre personnelle. Diderot libère l'art de sa seule fonction d'imitation et se libère lui-même du simple rôle d'informateur pour les lecteurs de la « Correspondance littéraire » : il transforme la présentation des peintres en discours pluriel, complexe et inattendu et il invente des formes d'écriture telles que la méthode scientifique, l'adresse aux lecteurs, le dialogue. Le Salon fonctionne comme une grande lettre et restitue la mondanité salonnière.
De tels échanges révèlent la présence d'un public qui porte un jugement sur les œuvres des artistes, comme Naigeon par exemple. Les gens du monde ont un regard dédaigneux et distrait, ils ne s'arrêtent que sur les portraits des personnes qu'ils connaissent alors que les hommes de lettres s'attardent sur les grandes compositions. Quant au peuple, il ne comprend rien. En outre, l'auteur utilise la fiction à travers le conte : ce sont des anecdotes qui débouchent sur une morale. La fiction lui permet d'évoquer le problème des groupes sociaux « non productifs », donc du statut de la littérature et de l'art. Non seulement la description et l'appréciation, mais aussi l'analyse des problèmes esthétiques et philosophiques des œuvres s'intègrent en une seule et même fiction d'ordre romanesque.
[...] Ses tableaux représentent la nature même, ce n'est pas un trompe-l'œil et un tableau est réussi quand il peut se substituer à la nature : Diderot pense que Chardin rivalise avec la nature et il tente de percer son secret dans les Salons. Chardin est le plus grand peintre, car il est le plus grand coloriste. En effet, il exploite toutes les possibilités du coloris et il modèle les objets de manière à ce que le spectateur ait l'illusion de leur présence réelle et harmonieuse. Même si pour Diderot le plus important est l'idée, l'invention et la peinture d'histoire, le plus grand peintre reste Chardin : celui-ci réalise la dramatisation de la nature morte. [...]
[...] Il subvertit les genres de l'intérieur, mais reste tout de même attaché au système. Un peintre peut être reçu à l'Académie dans un genre ou dans un autre et ne se cantonne pas forcément à un seul genre. Un peintre peut être reçu deux fois : comme peintre de genre et comme peintre d'histoire, mais seuls les peintres d'histoire peuvent être professeurs et accéder aux offices La querelle du coloris et du dessin La primauté du dessin montre que la peinture est un art libéral, un art intellectuel. [...]
[...] Dans le Salon de 1767, Diderot est en quête du peintre qui va pouvoir remplacer Deshays. Il place tout son espoir dans Durameau : celui- ci a contribué à la restauration de la grande manière, mais ce n'est pas lui qui met un terme à la décadence. Les surintendants favorisent la grande manière et la peinture d'histoire en augmentant leurs prix. Boucher reste le peintre favori de Louis XV, mais il n'expose pas pour ne pas être la cible des salonniers. [...]
[...] La peinture que Diderot imagine annonce les Ruines de Caspar David Friedrich. Il souligne le caractère éphémère de l'univers créé par l'homme, les tyrannies anéanties, l'infini du temps et du cosmos : les structures sociales ne sont pas immuables : des ruines laissées par les tyrans déchus peut naître une société nouvelle et démocratique. Les ruines donnent à voir le contraste entre le travail de l'homme et l'usure du Temps, l'ambition de l'Antiquité -qui est par ailleurs la valeur refuge de l'époque de Diderot- et la vie quotidienne. [...]
[...] Diderot dénonce la présence des amateurs d'art dans l'atelier d'artiste et la mise sous tutelle des artistes. Le fossé s'agrandit entre les exigences de l'Académie et la production des peintres à cause de ces amateurs qui dominent le marché de l'art et qui préfèrent les petits genres et la petite manière aux dépens de la grande manière La situation des beaux-arts en 1767 : restaurer la grande manière Aux yeux de Diderot, la peinture est en pleine décadence. La peinture d'histoire se fait contaminer par la petite manière. [...]
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