Dans son article intitulé « Diderot dans l'espace des peintres », Jean Starobinski revient sur les écrits de celui-ci en matière de critique d'art. Evoquant les premières réflexions du philosophe sur le Beau au sein de l'Encyclopédie et dans la Lettre sur les sourds et muets, Starobinski remarque l'évolution entre ces textes très théoriques où l'on trouve une définition abstraite du « beau » et la mise en pratique de ces données dans les Salons. Véritables comptes-rendus des expositions de l'Académie de Peinture et de Sculpture, les Salons affrontent d'emblée la difficulté de transcrire les toiles par écrit. Pour Starobinski, cette difficulté est compensée par diverses stratégies discursives : « Pour qui sait goûter les stratégies du discours, les Salons sont d'une lecture passionnante : entre la soumission apparente au désir de l'ami éditeur, le franc-parler imprudent et vif, la visée implicite d'un public lointain, les conversations écoutées, rapportées, provoquées, Diderot exploite toutes les modalités de la communication verbale, comme pour compenser la difficulté fondamentale du passage de la peinture à la parole. » Starobinski évoque ainsi les enjeux fondamentaux de la Correspondance littéraire, chargée de tenir au courant les cours étrangères des évènements artistiques français, en même temps que la principale difficulté qui se pose aux Salons : comment transcrire une exposition à laquelle les lecteurs n'ont pas participé ? Comment donner à voir des toiles par l'entremise du verbe ? D'emblée, la simple description des tableaux semble écartée par Starobinski puisqu'il s'agit pour Diderot de « compenser » les manques de celle-ci par divers moyens qu'il nous faudra définir et expliquer avant de déterminer s'ils sont réellement efficaces et suffisants.
[...] Diderot admet facilement qu' il y a tant de choses qui tiennent au technique, et dont il est impossible de juger, sans avoir eu quelque temps le pouce passé dans la palette. (Salon de 1763, p.184). Si l'écrivain ne prétend pas posséder les connaissances nécessaires à un jugement technique, il n'en demeure pas moins persuadé de sa légitimité à juger les toiles, au même titre que le public fluctuant des salons. Conscient des oppositions éventuelles suscitées par son texte, Diderot met alors en scène d'autres stratégies discursives, qui combinées à celles que nous avons déjà abordées, permettent de persuader le lecteur de la légitimité des jugements émis par l'auteur mais également du bien-fondé de leur contenu. [...]
[...] Si Diderot ne pratique pas la peinture et le regrette d'ailleurs souvent, il se forme à celle-ci par la fréquentation des expositions et des artistes. Il se rend d'ailleurs fréquemment aux Salons accompagné d'amis peintres. Ses connaissances en matière de peinture augmentent donc avec la pratique de la critique d'art comme en témoignent les Essais sur la peinture. Ecrits pour faire suite au Salon de 1765 ils se présentent comme une réflexion de Diderot sur certaines techniques artistiques, tel le clair-obscur. [...]
[...] Comment Diderot résout-il la difficulté fondamentale du passage de la peinture à la parole ? Les Essais sur la peinture et les Salons de Diderot (programme de l'agrégation 2008) Dans son article intitulé Diderot dans l'espace des peintres Jean Starobinski revient sur les écrits de celui-ci en matière de critique d'art. Evoquant les premières réflexions du philosophe sur le Beau au sein de l'Encyclopédie et dans la Lettre sur les sourds et muets, Starobinski remarque l'évolution entre ces textes très théoriques où l'on trouve une définition abstraite du beau et la mise en pratique de ces données dans les Salons. [...]
[...] L'homme de lettres au contraire possède cette facilité acquise par des expériences réitérées, à saisir le vrai ou le bon, avec la circonstance qui le rend beau et d'en être vivement touché. (Essais sur la peinture, p.78) et qui ne va cesser de s'accroître à mesure qu'il fréquente la peinture, comme en témoigne la différence de taille entre les Salons de 1759 et de 1763. Mais cette connaissance privilégiée ne suffit pas, il lui faut encore pouvoir la partager de manière efficace avec son lecteur. [...]
[...] L'écrivain parvient ainsi à réinventer ses formes langagières grâce à la peinture et encourage le peintre à faire de même : c'est en étudiant le verbe que le peintre parviendra en effet à se faire le démiurge d'œuvres véritablement sublimes. Que ne suis-je possesseur du plus faible de tous [vos tableaux] ? Salon de 1763, p.205. [...]
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