Deux acteurs pour un rôle p. 160-162, Théophile Gautier 1841, Méphistophélès, figure du diable, bien et mal, critique de l'orgueil, puissance de l'amour, incarnation du mal, champ lexical, Henrich, prétention, commentaire composé
Cet extrait de la nouvelle "Deux acteurs pour un rôle" de Théophile Gautier relate l'usurpation du rôle de Méphistophélès, endossé par le personnage d'Henrich, par le diable en personne. Nous verrons comment, tout au long de l'extrait, la figure du malin est restituée, exagérée et tournée en dérision par l'auteur par sa caractérisation et ses actes. Nous tenterons d'expliquer par quels procédés implicites Gautier est-il parvenu à produire un personnage diabolique ambigu et à la crédibilité mitigée.
[...] La surprise provoque l'effroi et renforce l'apparence inquiétante du démon, décrite plus bas. L'accent est mis, au début de la description, sur le regard ; le démon possède des iris verts que l'on attribue aux incarnations ainsi qu'aux associés du malin. « Des yeux dont la transparence verdâtre avait dans l'obscurité une profondeur inouïe » : ce passage suggère la presque phosphorescence des iris du diable, qui paralysent Henrich malgré l'obscurité des coulisses. Par la profondeur, Gautier suggère cette impression propre aux regards perçants qu'ils vous sondent et vous pénètrent : Henrich est glacé par l'effet de surprise de ce personnage dont les yeux incandescents le fixent. [...]
[...] On lui attribue pourtant ce caractère blasphématoire qui, par son opposition avec le bien, ne peut définir que le mal. La phrase suivante, « jamais acteur n'était arrivé à une telle puissance de sarcasme, à une telle profondeur de scélératesse », laisse comprendre que les spectateurs ressentent cette justesse du rire qui dépasse le jeu d'acteur. Ici encore, et comme plus haut avec l'adjectif « sardonique », les mots « sarcasme » et « scélératesse » ne dénotent pas seulement une émotion qui se dégage ou une impression, mais bien des intentions purement mauvaises de la part de celui à qui on les attribue. [...]
[...] On voit donc clairement en lui une incarnation du mal, mal qui est caractérisé ici comme l'arrogance et la recherche de la gloire, ce pour quoi Henrich a été puni, bien que le diable en soit tout aussi coupable que lui. Le combat sous- jacent se joue entre le bien et le mal, l'amour et la soif de gloire : le bien étant incarné dans le personnage de Katy, qui par son amour débordant pour lui sauve Henrich de la mort. [...]
[...] Car ici, ce n'est pas de la crainte qu'il inspire aux spectateurs, mais bien de l'admiration pour son jeu d'acteur. Ce personnage, censé se démarquer des hommes par son envergure, sa puissance, s'expose sous les feux de la rampe et cherche à assouvir sa soif de gloire. Le mal est donc ici défini comme le désir de célébrité et la prétention : « il entra en scène, sa réplique étant venue, comme un comédien consommé », « qui souvent substituait des vers de son invention à ceux du poète ». [...]
[...] Ici, on voit que le Diable produit un véritable spectacle. L'accumulation de ses prestations fantastiques, plutôt que de renforcer l'aspect menaçant et tout-puissant du démon, laisse une impression de « m'as-tu-vu » qui décrédibilise le personnage. Le côté imposant de la figure diabolique laisse place à un piètre magicien qui, enchainant les tours de passe-passe et les artifices, cherche à impressionner son public. On peut même aller jusqu'à dire qu'il s'apparente plus à un homme qu'à une créature démoniaque, dans la mesure où il tente d'obtenir leur admiration et d'assouvir sa soif de gloire ; mais nous y reviendrons dans la deuxième partie. [...]
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