Le Dernier Jour d'un condamné, écrit par Victor Hugo et publié en 1829, relate l'expérience extraordinaire de celui qui sait sa mort proche et exprime dans son journal ce qu'il ressent. Le passage que nous allons étudier, et qui clôt l'œuvre, montre bien le caractère personnel de l'écriture du journal, la puissance des regrets qui assaillent son auteur et le double enfermement qui le retient prisonnier corps et âme.
[...] La construction même du texte crée un effet de contraste entre les deux moments évoqués : le passé et le présent ; trois paragraphes sont consacrés au présent, et un seul au passé ; mais ce dernier est placé au milieu des trois autres et il occupe, à lui seul, deux lignes de plus que les autres ensemble. Ceux-ci sont particulièrement courts : une demi- ligne, puis une et demie, puis trois. Ce contraste entre brièveté et longueur est souligné par la propension des phrases à s'allonger dans le paragraphe central, alors que l'évocation du présent passe par des phrases très courtes : condamné à mort ! [...]
[...] plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude On doit voir dans le mot une non l'article indéfini, mais l'adjectif numéral : la répétition ne souligne pas le caractère indéfini de la pensée du condamné, mais son caractère obsédant. La structure du texte révèle donc bien l'intention de l'auteur d'exprimer la puissance du souvenir et la force du regret grâce au seul contraste entre les deux époques. Maintenant, je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot ; ainsi s'exprime le condamné à mort dans le dernier paragraphe du texte. [...]
[...] Cependant, plus que le corps, l'esprit est présent dans le texte ; on retrouve ce champ lexical réparti dans tout le texte, et en abondance : pensée (l.2 et 14) ; idée (l.7 et 16-17, à trois reprises), esprit (l.7 et conviction certitude (l.18). En fait, c'est l'enfermement le plus douloureux ressenti par le prisonnier. Cet enfermement naît de l'obsession qui hante son esprit depuis qu'il connaît le verdict des juges : condamné à mort ! ; l'expression revient deux fois d'ailleurs. [...]
[...] Le texte se présente sous l'aspect d'un journal très personnel. Entièrement écrit à la première personne, il utilise le présent, le temps de l'énonciation : Maintenant, je suis captif (l.15), ou l'imparfait du souvenir : J'étais un homme comme un autre homme (l.6). De plus, les souvenirs qu'il évoque dans cette énonciation du temps passé sont précis et chargés d'une valeur sentimentale : [ ] des jeunes filles et puis de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers (l.12 et 13). [...]
[...] La construction du texte, encore une fois, encadré par ces deux exclamations identiques : condamné à mort ! et encerclant le paragraphe consacré au souvenir avec ceux consacrés au temps présent de la pensée et temps de l'obsession. Car cette idée est unique, comme on l'a déjà vu, et implacable ; elle est une conviction une certitude ; elle est toujours là (répété trois fois aux lignes ; elle devient même la compagne métaphorique du condamné : j'habite avec cette pensée Tout est donc fait pour souligner le caractère inexorable de cette situation tragique où l'homme se trouve deux fois privé de sa vie, deux fois privé de sa liberté. [...]
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