Le progrès est aujourd'hui contesté, en Occident au moins, chaque jour remis davantage en cause : atteintes à l'environnement, centrales nucléaires menaçantes, invasion irréversible des objets — voitures, télévisions, ordinateurs. D'où, l'apparition des « Verts » de toute obédience : la mode est à l'écologie. Déjà, en 1970, dans sa Lettre ouverte aux Européens, le philosophe Denis de Rougemont constatait cette remise en cause globale du progrès envisagé sous l'angle unilatéral du matériel et du collectif; le progrès véritable consistant en l'augmentation « des occasions et des moyens de nous décider nous-mêmes, donc d'être libres ». Le progrès matériel doit-il être pour autant condamné ? Ne donne-t-il pas accès aussi, comme le sous-entend l'auteur, à des possibilités nouvelles de choix ? Le progrès collectif n'apporte-t-il plus rien ? Comment faire en sorte, enfin, que progrès et liberté restent l'indissociable couple ?
Les philosophes des Lumières, au XVIIIe siècle, ont véritablement « inventé » la notion de Progrès. Pour la plupart d'entre eux, l'humanité, tant bien que mal, éclairée par les lumières de la Raison, s'éloigne des ténèbres et de l'obscurantisme. Les philosophes, au contraire de Denis de Rougemont, ont plutôt tendance à mettre le christianisme - au moins ce qu'il est devenu par l'évolution de l'Histoire : la religion catholique officielle- du côté des forces réactionnaires qui veulent maintenir les hommes dans un état d'arriération matérielle et intellectuelle. L'éducation, la science, les techniques ont leur mot à dire dans ce Progrès : en témoigne l'Encyclopédie de Diderot, d'Alembert et quelques autres, formidable machine de guerre anti-passéiste, apologie nourrie et circonstanciée du génie humain capable de tout. Le philosophe des Lumières, Voltaire, par exemple, en profite pour réinventer l'Histoire et lui donner un sens : moins optimiste qu'on ne le croirait, le philosophe en vient à douter de l'évolution positive du monde, tant sont fréquents, entre les oasis de cultures que sont les grands siècles - tel, malgré ses tares, répression religieuse, absolutisme, le siècle de Louis XIV - , les retours en arrière, les errances, les horreurs. Mais « il faut cultiver son jardin » conclut Candide. Cultiver la terre, la rendre productive, se rendre utile, utiliser les compétences de chacun, n'est-ce pas croire au progrès, quand même ?
[...] La science, de son côté, pourra tout expliquer, faire disparaître les anciennes croyances qui obscurcissent la pensée. L'éducation, pour tous, éradiquera les préjugés : associé au progrès, le bonheur est bien une idée neuve en Europe. Illusions perdues que tout cela ? Les produits de la science, dit-on, ravagent notre planète; couche d'ozone évaporée, pluies acides sur les forêts, fuites radioactives, déchets variés, changement climatique; le progrès déboucherait-il sur l'Apocalypse ? À entendre certains, on le croirait . Les maladies ne seraient-elles pas, par hasard, l'œuvre diabolique des médecins ou savants fous qui nous environnent ? [...]
[...] La Raison éloigne des ténèbres. Le luxe crée du travail. Le libre commerce fera disparaître les guerres. La science libèrera de la croyance. II. Constat d'échec. La Terreur succède à la Révolution. Le Contrat social de Rousseau. Un progrès collectif. [...]
[...] Les philosophes des Lumières, au XVIIIe siècle, ont véritablement inventé la notion de Progrès. Pour la plupart d'entre eux, l'humanité, tant bien que mal, éclairée par les lumières de la Raison, s'éloigne des ténèbres et de l'obscurantisme. Les philosophes, au contraire de Denis de Rougemont, ont plutôt tendance à mettre le christianisme - au moins ce qu'il est devenu par l'évolution de l'Histoire : la religion catholique officielle- du côté des forces réactionnaires qui veulent maintenir les hommes dans un état d'arriération matérielle et intellectuelle. [...]
[...] Elle est même tout le contraire, exigeante, rigoureuse. Seule, elle permet, c'est vrai, de donner un sens à sa vie, d'assumer pleinement l'humaine condition disait déjà Montaigne. Mais l'erreur serait de dissocier trop cette conception du progrès de l'autre tout aussi indispensable industriel, commercial bref le progrès de masse. D'abord parce que le progrès, c'est aussi de savoir maîtriser ce progrès et l'utiliser correctement, et le faire partager par tous. Ensuite parce que, si nous sommes libres, rien ne pourra briser cette liberté, et c'est librement que nous déciderons si doivent ou non continuer l'enlaidissement de la nature ou la fabrication de la bombe atomique dont nous entretient cet extrait de Lettre ouverte aux Européens. [...]
[...] Partagez-vous cette conception du progrès ? La thèse de Denis de Rougemont On peut certes ironiser sur la confiance aveugle qu'eurent les deux siècles passés dans le progrès, notion désormais associée à la pollution, aux dangers du nucléaire, à la dictature, idéal, semble-t-il, confisqué par les superpuissances Mais pour nous, Européens, cette foi reste essentielle, car elle donne sens à nos vies : chez nous, en effet, contrairement aux pays d'Est ou d'Ouest extrême où triomphe l'esprit grégaire, le progrès est associé à l'idéal libertaire. [...]
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