Aujourd'hui, les salles de théâtre sont souvent délaissées au profit des salles de cinéma, loisir jugé plus moderne, plus proche de notre réalité quotidienne. Nous pouvons donc nous demander si le théâtre exprime le réel. N'est-il qu'une pure fiction, ou exprime-t-il une vérité émotionnelle ?
La première preuve que le théâtre ne cherche pas à être une copie conforme du réel réside dans les intrigues. La plupart d'entre elles méprisent le réalisme. Shakespeare a su rester à travers les siècles un des dramaturges les plus fameux ; or ce n'est ni dans le fantôme d'Hamlet, ni dans les sorcières de Macbeth, ni dans les fées du Songe d'une nuit d'été que l'on trouvera l'expression du réel.
[...] Des moyens qui trahissent plus l'artifice qu'ils n'expriment le réel] De plus, les moyens mis en œuvre pour représenter ces intrigues trahissent plus l'artifice qu'ils n'expriment le réel. D'abord, les auteurs écrivent leurs pièces, ils raturent, modifient, peaufinent un texte dont les qualités résident dans la beauté poétique, dans l'acuité, plus que dans la spontanéité du réel. Prenons par exemple le texte de Claudel. Il est écrit en vers libres, harmonieusement rythmés. La troisième réplique de Lechy Elbernon Ils regardent le rideau de la scène. [...]
[...] Cette distance est tout aussi fondamentale que la communion. Sans continuité, pas d'émotion : le spectateur ne comprend pas ce que le théâtre cherche à exprimer ; sans distance, pas d'émotion : le spectateur a peur de vivre une situation qui peut le mettre en danger. C'est ce que l'on observe lors de la scène de théâtre dans le théâtre dans Les Acteurs de bonne foi, où les spectateurs s'identifient parfaitement aux comédiens et aux personnages et réagissent violemment. [C. [...]
[...] Parce que les spectateurs voient devant eux des hommes, ils peuvent plus facilement s'identifier aux personnages, au-delà de leurs oripeaux, se reconnaître en eux, partager leurs émotions. L. Elbernon, décrivant le spectateur, dit : il se regarde lui-même Il compatit avec la douleur d'Agamemnon qui apprend, au début d'Iphigénie, qu'il doit sacrifier sa fille ou renoncer à son pouvoir et à son honneur, il compatit d'autant plus qu'il perçoit l'angoisse du comédien qui vient de se lancer sur scène, l'attention grandissante de ses voisins, cette communion dans l'angoisse. [...]
[...] Seul un accord tacite entre le metteur en scène et les spectateurs peut faire accepter à ces derniers que la toile peinte suspendue au fond de la scène est le tombeau de Charlemagne. Quant aux comédiens, ils répètent sous les ordres du metteur en scène, qui leur impose une vision de leur personnage. Ils perdent au fil des répétitions, puis des représentations, leur spontanéité et leur naturel. À la fin de l'extrait des Acteurs de bonne foi, Merlin demande à Lisette de recul un peu pour [lui] laisser prendre contenance : il s'agit de prendre un masque théâtral, différent du visage du réel. [...]
[...] Nous pouvons donc nous demander si le théâtre exprime le réel. N'est-il qu'une pure fiction, ou exprime-t-il une vérité émotionnelle ? Nous verrons dans une première partie que le théâtre n'exprime pas le réel concret en une copie conforme, puis dans une deuxième partie, nous montrerons que le théâtre exprime un réel caché, en créant un lien de continuité entre la salle et la scène. - Le théâtre n'exprime pas le réel concret] [A. Des intrigues éloignées du réel] La première preuve que le théâtre ne cherche pas à être une copie conforme du réel réside dans les intrigues. [...]
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