Le défi posé à l'histoire littéraire par les littératures francophones

Résumé du document

« S'il est difficile de déterminer en quoi la littérature américaine est américaine, c'est entre autres que nous ignorons en quoi la littérature anglaise est anglaise. » Avec cette boutade, le critique Guy Tougas parvient à résumer en très peu de mots le problème soulevé par les productions littéraires dites « postcoloniales », soit celui de la remise en cause des postulats de l'histoire littéraire. On reconnaît généralement que la légitimité de ces postulats, qui datent de l'époque du romantisme franco-allemand, est à reconsidérer. Pourtant, les efforts visant à jeter les assises d'une nouvelle théorie littéraire communément admise achoppent. La multitude d'appellations désignant les productions littéraires issues des anciennes colonies européennes témoignent de cet échec. Ces productions littéraires ont cependant un point commun : toutes questionnent la conception qui fait de la littérature le reflet d'une culture territorialisée. Or, cette compréhension est elle-même due à un questionnement qui prend source dans l'évolution du concept de littérature.

Extraits

[...] L'entreprise d'expansion coloniale L'existence autonome d'une littérature nationale présupposée par le romantisme s'avère un critère bien utile de classification des œuvres littéraires. Pourtant, comme le souligne la boutade de Guy Tougas, il est bien difficile de définir l'âme d'une nation ou de sa littérature. Concernant la littérature anglaise, pour reprendre l'exemple cité, il serait malaisé de s'aventurer au-delà de la définition tautologique : la littérature anglaise est l'ensemble des créations littéraires produites en Angleterre. Or, il est ironique de constater que la volonté de déchiffrer dans une production littéraire les qualités intemporelles d'une nation soit contemporaine de l'émergence des premières littératures issues des colonies. [...]

[...] Comment étudier les œuvres littéraires aujourd'hui? En raison de la triple dimension épistémologique, esthétique et sociologique de leur objet, les sciences de la littérature reposent parfois sur des postulats contradictoires. L'histoire littéraire, que les littératures francophones (ou émergentes; ou postcoloniales; ou des Indépendances; ou de la décolonisation; ou négro-africaine, etc.) nous forcent à reconsidérer, étudie aussi bien l'une ou l'autre de ces dimensions. Dans un premier temps, ces littératures périphériques se sont dissociées de la culture du centre dans leur dimension sociologique, ou, plus précisément, sociopolitique. [...]

[...] Cette dimension précise la définition de la littérature qui exige la référence d'une société en mesure de la recevoir. C'est également en vertu de cette dimension sociologique que pourra naître l'idée d'une histoire littéraire ou d'une science de la littérature. Zeitgeist et Volksgeist Selon Foucault, c'est au philosophe Kant qu'il revient en premier d'avoir cherché à penser ce que son époque avait en propre. Pour avoir rendu possible une ontologie du présent, le philosophe des Lumières est considéré, à juste titre, comme un précurseur du romantisme. [...]

[...] "Le défi posé à l'histoire littéraire par les littératures francophones" S'il est difficile de déterminer en quoi la littérature américaine est américaine, c'est entre autres que nous ignorons en quoi la littérature anglaise est anglaise. Avec cette boutade, le critique Guy Tougas parvient à résumer en très peu de mots le problème soulevé par les productions littéraires dites postcoloniales soit celui de la remise en cause des postulats de l'histoire littéraire. On reconnaît généralement que la légitimité de ces postulats, qui datent de l'époque du romantisme franco-allemand, est à reconsidérer. [...]

[...] Dans le cas des littératures issues des colonies de la France, leur première action sera une réaction : faire le procès de l'entreprise colonialiste. Plusieurs œuvres francophones cherchent à instaurer un rapport critique aux entreprises conjointes de l'impérialisme eurocentriste et de la colonisation géohistorique de peuples, terres et nations. Le mouvement de la négritude, auquel adhèrent plusieurs penseurs et écrivains africains et antillais, se veut l'affirmation identitaire du Noir et de ses valeurs en réaction contre le Blanc colonisateur qui nie jusqu'à son existence. [...]