Le théâtre, dans le monde arabe, est une importation étrangère. Au 19°s, ce dernier découvrit l'occident, notamment grâce à la campagne de Napoléon en Egypte . L'influence étrangère se fit rapidement ressentir à tel point que l'on parle aujourd'hui de « nahda », c'est-à-dire d'une renaissance des arts arabes où le roman et le théâtre gagnèrent progressivement leur place et dans laquelle la poésie prit un envol qu'elle n'avait pas connu depuis des siècles. C'est dans cette effervescence que naquit le théâtre libanais, avec l'adaptation de « L'Avare » de Molière par Maroun al-Naqqash, en 1847 . Jusqu'au début du 20°s, il resta un genre nouveau, en expérimentation. Et ce n'est qu'en 1960 que le mouvement théâtral se structura, notamment grâce au Festival de Baalbeck et à la Mission Culturelle française qui l'inscrivirent dans un courant international.
[...] La plupart des pièces politiques de cette époque sont des adaptations. Une question s'est vite posée : doit-on les arabiser ou les garder dans leur forme originale ? Le plus souvent, le dramaturge obéit à la première démarche. On retrouve encore ici le problème de la représentation spatiale. C'est comme si les dramaturges politiques libanais étaient tiraillés entre deux exigences : se référer à une identité plus large, c'est-à-dire arabe, ou plus restreinte, nationale, qui accentuerait les distinctions entre les différents peuples du Liban. [...]
[...] L'identité s'inscrit alors dans un cadre plus large : l'arabité. Chaouki Khaïrallah choisit par exemple de mettre en scène Adonis qui est un protégé d'Astarté, déesse commune à la Phénicie et à la vallée de l'Euphrate. Quand on sait que le Parti populaire syrien faisait souvent appel aux mythes cananéens et babyloniens, on comprend que cette pièce n'a rien d'innocent : il s'agit d'opposer à la tribu hébraïque le génie des mythes anciens, qui appartiennent aujourd'hui à la civilisation arabe dans son ensemble est donc l'année de la défaite, mais également l'année d'une prise de conscience : la Palestine. [...]
[...] Le tiraillement évoqué était donc toujours présent de cet événement allait naître Géha dans les villages frontaliers de Jalal Khoury et Majdaloun de Henri Hamati. Il faut croire que cette dernière pièce eut un fort retentissement puisque le soir de la première, les responsables de l'ordre envahirent la salle, en avril 1969. C'est qu'on s'y voyait expliquer que les habitants de Majdaloun, village du Liban-Sud, formaient avec les Palestiniens une seule et même nation. Elle prenait donc partie pour la cause palestinienne. Ce fut également l'occasion, pour les dramaturges, de dénoncer les institutions en place. [...]
[...] Cette décennie (1960-1970) fut principalement marquée par un théâtre politique. C'est que la défaite de 1967, la résistance palestinienne et les Révolutions de 1968 étaient propices à l'émergence de dramaturges cherchant à s'enraciner le théâtre dans leur société. S'enraciner c'est-à-dire recréer un espace géographique. Trois façons sont adoptées[4] : 1. L'action est ancrée dans un cadre parfaitement connu du spectateur, et plein de tensions. Par exemple, dans Géha de Jalal Khoury, on est plongé dans un village du Liban-Sud, zone frontalière avec Israël Le cadre géographique est dépassé. [...]
[...] Mais qu'en est-il une fois que nous sortons de la salle ? L'épisode, qui était alors un événement, car mis en relief, se fond, peu à peu, chaque seconde où je vois, sens autre chose, dans ce que je vois et dans ce que je sens, si bien qu'il finit par être relativisé. En d'autres termes : après avoir vu une pièce dénonciatrice, nous ne pouvons que nous sentir, à notre tour, dénonciateur, durant l'espace de la représentation, mais sans le devenir réellement pour autant. [...]
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