Dans quelle mesure les notes de Victor Hugo dans Cromwell au sujet de Molière peuvent-elles éclairer la lecture de Ruy Blas ?

Thèmes abordés

Victor Hugo, Ruy Blas, Cromwell, Phèdre, Don Salluste, Don Guritan, Madame de Staël, nature, vérité, courant romantique, pensée classique, drame romantique, opposition comédie-tragédie, mouvement romantique, sublime et grotesque

Résumé du document

La préface de Cromwell, pièce écrite en 1827, est un véritable manifeste en faveur du drame romantique. L'ambition de Victor Hugo était alors de mêler le grotesque au sublime ? en allant à l'encontre des règles classiques ? pour peindre le réel. C'est d'ailleurs le refus d'accepter la hiérarchie des genres qui lui vaudra de vives critiques après sa pièce Ruy Blas. Hugo défend son point de vue face à ses détracteurs lorsqu'il affirme que « Molière est plus vrai que nos tragiques », car « la comédie est bien plus près de la nature que la tragédie ». Contrairement au postulat classique, Hugo considère que le grotesque est plus proche de la vérité que le sublime, voire supérieur. En quoi l'encensement de la comédie et du grotesque, qu'Hugo affirme être plus proche de la vérité que la tragédie, met-il à jour le désir d'Hugo de créer un théâtre pour tous ? En commentant la pièce Ruy Blas, nous nous attacherons à démontrer que le lien qu'Hugo fait entre le peuple, la nature et la vérité, ainsi qu'entre le grotesque et la vérité révèle sa conception égalitariste de la société.

Extraits

[...] Mais plus que la hiérarchie des genres, c'est tout l'ordre social que Victor Hugo remet en cause dans sa pièce. Ruy Blas reflète la conception égalitariste d'Hugo et son ambition de créer un théâtre pour tous. L'irrespect de l'ordre social dans Ruy Blas révèle l'engagement d'Hugo pour une société plus égalitaire. Cette conception égalitaire transparaît à la scène 1 de l'acte II, lorsque la reine rêve à son Allemagne natale. Elle parle du peuple Allemand comme d'un ensemble harmonieux, et ne marque pas de rupture lorsqu'elle parle de princesses et de paysans : Comme, ma sœur et moi, nous courions dans les herbes Et puis des paysans passaient, traînant des gerbes ; Nous leur parlions. [...]

[...] La reine est infantilisée par la duchesse, interdite de sortie, de jouer et de manger avec ses suivantes, ce qui crée un comique de situation. Mais cette trivialité se mêle au sentiment tragique d'isolement de la reine. En plus de créer des effets de contrastes qui donnent à la pièce plus de vraisemblance, l'utilisation du grotesque permet de décrire la réalité sans pudeur ou bienséance. Hugo est l'un des chefs de file du mouvement romantique. Il cherche donc à s'émanciper des règles classiques pour mieux représenter la réalité. [...]

[...] Par ailleurs, l'emploi du grotesque, que l'on retrouve tout au long de la pièce, se fait un instrument de la vérité. La conception égalitariste de Hugo dans Ruy Blas Hugo emploie à de nombreuses reprises le registre familier dans sa pièce et refuse toute conception hiérarchisante de la littérature, afin de créer une œuvre plus vraie . Victor Hugo écrit dans la préface de Cromwell Il semble que le grotesque soit un temps d'arrêt, un terme de comparaison, un point de départ, d'où l'on s'élève vers le beau avec une perception plus fraîche et plus excitée. [...]

[...] Pour l'essayiste Madame de Staël, qui a considérablement influencé le courant romantique, Nos plus grandes tragédies en France n'intéressent pas le peuple ; sous prétexte d'un goût trop pur et d'un sentiment trop délicat pour supporter de certaines émotions, on divise l'art en deux . En effet, selon la pensée classique la comédie est destinée au peuple et doit représenter des personnes ordinaires dans un registre familier, tandis que la tragédie est censée être un genre noble réservé à une élite. [...]

[...] Ces vers irréguliers et dans un registre familier semblent s'apparenter à la comédie. Pourtant, ils contrastent avec la rage de Ruy Blas (vers 429 : Mais, ô rage être ainsi, près d'elle devant eux Ruy Blas est un ver de terre amoureux d'une étoile (acte scène son amour impossible envers la reine lui confère la grandeur d'un héros tragique. Hugo explique lui-même dans sa préface que Ruy Blas est un personnage tragique, bien qu'issu du peuple, tandis que Don César est un personnage noble mais comique. [...]