De la Poétique d'Aristote jusqu'aux essais de Pour un nouveau roman en passant par Défense et Illustration de la Langue française de Du Bellay, l'Art poétique ou encore la Préface de Cromwell, rares sont les mouvements qui se sont affranchis d'un envers conceptuel, comme si, « fascinés par l'école, la règle et la loi, nos écrivains et nos poètes même, ne s'étaient jamais défiés de rien tant que de l'ingénuité de la création, de son libre élan, de sa sauvagerie native ». (Jacques Borel).
Dans sa Préface de Cromwell, en 1827, Victor Hugo s'interroge : « Ne vaudrait-il pas toujours mieux faire des poétiques d'après une poésie, que la poésie d'après une poétique ». Il s'agit ici de s'intéresser à la création ou production littéraire et tout particulièrement aux contraintes du créateur. C'est, en effet, ce à quoi nous invite l'étymologie grecque du mot poésie, poiézis, signifiant création. De plus, la poétique qu'évoque Hugo dans sa préface peut se définir comme une théorie de la création littéraire, de la littérarité, c'est-à-dire comme l'ensemble des principes littéraires commandant l'écriture et la composition d'une oeuvre ou impliqués par celles-ci.
[...] Dans les deux derniers cas, l'auteur découvre sa poétique dans l'élan même de sa création. La poétique peut alors être interne à l'oeuvre et constituer elle- même une oeuvre d'art. Néanmoins faut-il préciser que quelle que soit la place de la poétique dans le processus de création, elle ne peut suffire à expliciter l'oeuvre et à rendre compte du génie de l'auteur. Somme toute, il semble qu'aucun créateur, qu'il s'agisse d'écrivains, de poètes ou de peintres, n'a pu s'affranchir des règles qui régissent la littérature. [...]
[...] Corneille choisit, contrairement à Aristote, le vrai plutôt que le vraisemblable. Il souligne néanmoins la nécessité de l'unité d'action. Il s'affranchit de la contrainte de l'unité de temps, quant à l'unité de lieu, il la réfute puisque Aristote ne l'a pas formulée. De plus, il préfère des héros tout méchants ou tout bons aux personnages définis par Aristote, des quatre types types de rapports envisagés entre personnages tragiques, il préfère celui qu'Aristote considère comme le pire. De plus, en plus de la crainte et de la pitié arrêtées par Aristote, Corneille inventera une nouvelle émotion tragique, l'admiration dont Nicomède est la plus parfaite illustration. [...]
[...] Enfin, on a trop souvent aggravé la raideur du système dramatique que Corneille nous expose, jusqu'à fausser complètement le sens de son théâtre. Il faut don en appeler de Corneille théoricien à Corneille créateur, le théoricien nous découvre d'importantes perspectives sur sa création tragique, mais non le secret de son génie. Ainsi, la poétique peut soit précéder l'acte de création c'est-à-dire le transcender, soit lui être simultanée, soit lui être postérieure. Dans le premier cas, une poétique préexistante impose des limites qui peuvent être contraignantes pour la création, mais est aussi suggestion. [...]
[...] La place qu'occupe une poétique dans l'acte de création est significative de sa fonction. En effet, lorsque l'on réalise "un poème d'après une poétique", cette poétique constitue avant tout un guide pour la création. Elle a certes une fonction de suggestion pour l'acte de création, mais elle peut aussi être une contrainte à l'élan créatif. Lorsqu'une poétique est interne à l'oeuvre ou écrite a posteriori, elle a essentiellement une fonction de communication avec le lecteur et donc de compréhension. Ainsi, la question que se pose Victor Hugo est pertinente dans la mesure où un auteur ne peut pas créer sans règles ( poème d'après une poétique) mais ces mêmes règles ne doivent pas non plus enfermer la littérature dans un carcan en entravant la verve créatrice (peut-être vaudrait-il alors mieux faire une poétique d'après un poème?). [...]
[...] Ne devraient-elles pas plutôt s'adapter aux goûts et aux moeurs de chaque époque? C'est en ces années que s'engage une querelle entre les Anciens et les Modernes, une grande bataille autour de l'autorité des théoriciens antiques au royaume de la poésie moderne. Dans un tel contexte, chaque oeuvre qui gêne par sa nouveauté pose la question suivante: un contemporain peut-il s'affranchir des normes définies par Aristote pour créer les conditions de sa propre réussite artistique ou doit-il s'y soumettre? Tasse soutient la richesse et l'utilité de La Poétique: La poésie est avant tout imitation du vraisemblable et il s'agit là d'une vérité universelle. [...]
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