Il faut distinguer, lorsque l'on parle de courant libertin, le simple libertinage de pensées du XVIe siècle qui désignait les personnes sans religion, du libertinage de moeurs tel qu'il est dépeint dans l'oeuvre de Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses. Toutefois, le libertin de moeurs est forcément un libertin d'esprit puisque cette course effrénée pour la recherche du plaisir ne se fait pas dans le respect de la morale judéo-chrétienne. De plus, la femme occupe une place très particulière dans ce roman épistolaire, en effet, la Marquise de Merteuil n'est pas seulement une spectatrice passive de la comédie humaine, elle en est une actrice brillante (...)
[...] Les hommes comme les femmes sont rabaissés au rang de machine à plaisir Il n'y a pas de respect, tout au plus une vague reconnaissance pour la personne ayant réussi le plus mauvais coup ou ayant obtenu une conquête par des moyens intéressants. Toutefois, malgré son statut de gibier ce n'est pas un assujettissement de la femme en particulier : les hommes ont seulement moins de mal à faire valoir leurs prouesses dans le beau monde. Le libertinage peut-être vu comme le reflet d'une société frustrée, car éprouve-t-on réellement un quelconque plaisir après avoir renié une partie de nous-mêmes et de l'humanité entière, les sentiments ? [...]
[...] "Laissons le braconnier obscur tuer à l'affût le cerf qu'il a surpris ; le vrai chasseur doit le forcer. Ce projet est sublime, n'est-ce pas (Valmont, lettre XXIII) ; Le Vicomte parle ici de la Présidente de Tourvel, qu'il se fait un devoir de séduire, et même plus, "ce n'est pas assez pour [lui] de la posséder, [il veut] qu'elle se livre" (Valmont, lettre CX). Plus qu'animalisée, la femme est ici réifiée. Elle est présentée comme insignifiante devant la toute puissance du Vicomte, elle n'est plus rien d'autre qu'un animal qui se débat avant sa longue agonie "Dans son effroi mortel, elle veut tenter encore de retourner en arrière ; elle épuise ses forces pour gravir péniblement un court espace" (Valmont, XCVI). [...]
[...] Le caractère progressiste du mouvement libertin dans Les Liaisons Dangereuses est montré à travers Mme de Merteuil, tout particulièrement dans sa lettre LXXXI, où elle fait l'apologie de la raison et de l'étude. En effet, la Marquise est la seule femme dans ce roman à être libertine. Toutefois, ce n'est pas un fait publiquement reconnu, puisqu'elle conserve une image de marque dans la société. C'est là toute l'ambigüité de ce personnage : elle est à la fois respectée en tant que Veuve vertueuse mais aussi comme libertine invétérée. [...]
[...] Ainsi la Marquise de Merteuil se montre avec des prétendants qu'elle n'apprécie pas et ne fréquente pas ses amants. Le fait que ces relations soient cachées posent le problème de la limite : elles n'en n'ont aucune. Et de l'absence de limite naît l'absence de morale. Les problèmes du libertinage ne relèvent donc plus de l'immoralité mais de l'amoralité. L'extrême exemple du genre serait une œuvre au hasard du Marquis de Sade. On ne sait donc considérer le libertinage comme progressiste ou non. Nous sommes tous des animaux doués de raison. [...]
[...] Dans la lettre autobiographique de Mme de Merteuil, nous pouvons trouver une facette de l'aspect progressiste du libertinage. Dans la mesure où il s'agit de jouer un rôle en société, il y a un réel travail de profondeur sur l'esprit et le corps, soit l'être et le paraître. Tandis qu'elle méprise l'humanité "Les sots sont ici bas pour nos menus plaisirs." (Merteuil, lettre LXIII), elle s'attache néanmoins à étudier son fonctionnement, en particulier sur elle-même : "j'ai porté le zèle jusqu'à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. [...]
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