Pourquoi le conte philosophique voltairien est-il une forme d'argumentation efficace et susceptible d'intéresser un lecteur d'aujourd'hui ?

Résumé du document

Voltaire est un homme des Lumières qui défendra tout au long de sa vie les idées de ce courant à travers différents genres littéraires. En tant que philosophe, Voltaire mènera un combat contre ce qu'il appelle l' "infâme". Ce n'est que tardivement qu'il commence l'écriture de contes philosophiques. Le premier d'entre eux fut La relation du voyage de Monsieur le baron de Gangan, en 1739. Le conte lui offre beaucoup de possibilités pour argumenter et lui permet de toucher un vaste public. Certains de ces contes, comme Zadig ou la destinée, datant de 1748, Memnon ou la sagesse humaine, un an plus tard ou Candide ou l'Optimisme de 1759, témoignent de ces positions philosophiques successives. Ils lui permettent tous de développer une réflexion philosophique et d'exprimer ses engagements. Comment Voltaire développe t-il son argumentation pour convaincre le lecteur ? (...)

Extraits

[...] Dans une première partie, nous nous demanderons pourquoi le conte philosophique voltairien est une forme argumentative efficace, puis, dans une seconde partie, nous verrons qu'il est susceptible d'intéresser un lecteur d'aujourd'hui. Dans ses contes philosophiques, Voltaire utilise le rire pour convaincre. Le comique, la satire et l'ironie sont ses principales armes pour attaquer ses adversaire, leurs idées et dénoncer l'obscurantisme, étroitement lié au fanatisme religieux de l'époque. Ils lui permettent donc d'argumenter contre les problèmes majeurs de son temps. Tout d'abord, le conte philosophique, petit morceau de philosophie allégorique selon Voltaire, instruit le lecteur de manière plaisante en développant son argumentation afin de dénoncer l'absurdité qu'il côtoie en France. [...]

[...] Chez Voltaire, la réflexion est principalement implicite, obligeant le lecteur à déchiffrer le texte, à comprendre les allusions les plus acerbes dans des expressions qui, pour le lecteur naïf, ne signifieraient rien. De plus, cette recherche d'indices pour la compréhension la plus fine du conte procure aux lecteurs du plaisir et l'argumentation en devient d'autant plus efficace. Enfin, on pourrait ajouter que le conte philosophique s'adresse à toute la population et non à une tranche particulière comme le font les essais ou les ouvrages d'histoire, réservés à des lecteurs avertis. [...]

[...] Son œuvre est un divertissement, un jeu de déduction entre l'auteur et le lecteur, pour ne pas tomber dans la passivité et l'ennui. C'est d'ailleurs pour cela que son argumentation est fondée sur la dénonciation de l'absurde par le rire car ce qu'on retient avant tout en lisant Candide, c'est l'humour voltairien et l'enchainement très rapide de désastres : il tire son épée, et vous étend l'Israélite roide mort sur le carreau et sans donner le temps à l'inquisiteur de revenir de sa surprise, il le perce d'outre en outre, et le jette à côté du juif ; ce qui est caractéristique de l'écriture de Voltaire. [...]

[...] Zadig, le scientifique, est apte à rassembler par la réflexion les indices que lui a donnés son observation des traces laissées par les animaux. Voltaire l'oppose donc à la naïveté de ceux qui l'accusent d'avoir volé le cheval du roi et la chienne de la reine. De même, Voltaire en profite pour faire la satire de la justice : il lui reproche son coût élevé (Zadig est obligé de payer trois cent quatre-vingt-dix-huit onces pour les frais de justice), il remet en cause son pouvoir arbitraire car c'est le roi qui décide, sa corruption, son inefficacité, sa rapidité et sa violence. [...]

[...] A l'époque, Voltaire affirmait : "Il faut être très court et un peu salé, sans quoi les ministres et Madame de Pompadour, les commis et les femmes de chambres font des papillotes du livre" ; (Madame de Pompadour, favorite de Louis XV, protégeait autant qu'elle pouvait les auteurs des Lumières). C'est pourquoi, dans ses contes, il a recours à un aspect ludique mais aussi fictif. Pour Voltaire, comme il le disait dans Zadig le conte philosophique est un ouvrage qui dit plus de choses qu'il ne semble dire ; il est à déchiffrer. [...]