Composé aux alentours de 1185 par Chrétien de Troyes, le Roman de Perceval est le premier roman à faire mention du Graal, comme le souligne son sous-titre, « Le Conte du Graal ». Perceval, jeune gallois un peu rustre, découvre, contre la volonté de sa mère, le monde de la chevalerie, et est ainsi mené, au détour de nombreuses aventures, à se lancer dans la quête du Graal, qui aujourd'hui encore se trouve être l'objet d'histoires toutes plus mystiques les unes que les autres. Mais le motif de la quête ne pourrait-il pas s'inscrire dans un projet beaucoup plus vaste ? On peut rappeler à ce propos que le Conte du Graal est une œuvre de commande, composée pour Philippe d'Alsace, désigné dans le prologue non seulement comme le dédicataire de l'œuvre, mais aussi comme celui qui a fourni à Chrétien de Troyes l'argument de son roman. Ainsi, on peut supposer que Chrétien de Troyes, se pliant aux instructions de son mécène, a chargé son œuvre d'une dimension initiatique, puisque Philippe d'Alsace était le parrain et le précepteur du jeune roi Philippe (qui ne portait pas encore le surnom d'Auguste).
[...] Enfin, Gauvain est également le chevalier qui dit toujours son nom. Il se distingue ainsi des chevaliers qui chevauchent en masquant leur identité ou en prenant un surnom (comme Yvain ou le chevalier au lion), ou qui taisent leur nom (comme Lancelot). Cette transparence est la preuve du courage et de la valeur du chevalier, et de fait, dans le Conte du Graal, la révélation de son identité provoque à plusieurs reprises un combat que Gauvain aurait préféré éviter, comme ce sera le cas avec Guiromelan. [...]
[...] Ils doivent sans cesse se battre contre les forces discourtoises, lesquelles s'expriment très souvent, dans ce type de roman, par le recours au merveilleux, à travers des personnages comme les géants, ou encore par des enchantements à abattre. Dans le Conte du Graal, ces forces discourtoises sont particulièrement présentes. Mais le merveilleux, moins présent que dans les autres romans de Chrétien de Troyes, laisse aux chevaliers agresseurs le monopole de la discourtoisie : le chevalier Vermeil qui vient défier et humilier Arthur à sa cour, en revendiquant ses terres et en renversant du vin sur Guenièvre, est qualifié de présomptueux par Arthur. L'Orgueilleux de la Lande témoigne des ravages de la jalousie. [...]
[...] Cette arme, d'une très grande beauté, est destinée à se briser en une occasion précise ; seul celui qui l'a faite, Trébuchet, pourra alors la ressouder. L'épée apparaît d'emblée, avant même l'apparition de la lance qui saigne et du Graal, comme le signe d'un mystère. Certains critiques ont proposé de voir dans Trébuchet une figure de Satan, qui fut trébuché (jeté hors) du Paradis. Et de fait, cette épée trahira qui s'y fiera. Mais on peut lire aussi que cette épée, qui n'a jamais versé le sang d'un homme, trahira celui qui tuera. [...]
[...] V. foiz passa avris et, mais, Ce sunt .V. anz trestuit antier, Ainz que il entrast en mostier, Ne Deu ne sa croiz n'aora. Tot ensin .V. anz demora, Por ce ne relaissoit il mie A requerre chevalierie, Que les estranges aventures, Les felonesses et les dures Aloit querant, et s'an trova Tant que molt buen s'i esprova, N'onques n'enprist chose si grief Dom il ne venist bien a chief . LX. [...]
[...] D'autre part, s'il parvient à le tuer, Perceval se ridiculise tout de même et montre bien son ignorance puisqu'il ne parvient pas à dépouiller son adversaire de son armure, ni même à soulever son épée. Il refuse même de retirer la chemise et la tunique que sa mère lui a confectionnées et, de ce fait, de rompre avec son passé rural. Victorieux sans savoir combattre, portant l'armure sans arborer tout à fait le costume du chevalier, Perceval est encore bien ce nice c'est-à-dire ce naïf, qui est décrit par Chrétien de Troyes durant toute une partie de l'œuvre, non sans une certaine ironie moqueuse ; mais se profile néanmoins à l'horizon la figure du vengeur potentiel qui promet à Keu de lui faire regretter la gifle donnée à la demoiselle joyeuse, lorsque cette dernière annonce de manière presque prophétique : Vallez, se tu viz par aaige, Je pans et cuit en mon coraige, Q'an trestot lo monde n'avra N'il n'iert ne l'an ni savra Nul chevalier meillor de toi, Ensin lo pans et cuit et croi. [...]
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