En vous appuyant sur les textes du corpus étudié en cours et vos connaissances personnelles dans les domaines littéraire et cinématographique, commentez cette réflexion d'un théoricien du fantastique, Louis VAX (La Séduction de l'étrange).
[...] « Conscience de l'étrange, séduction de l'étrange et horreur de l'étrange, c'est tout un. L'étrange est donc étranger, mais un étranger qui serait, paradoxalement, nous-mêmes », écrit Louis Vax, théoricien du genre fantastique, dans La séduction de l'étrange (1965). Ce lien entre « étrangeté » et littérature fantastique fait écho à tout un pan de la littérature francophone comme anglophone. Dans son chef-d'œuvre classique de la nouvelle fantastique Ligeia (1838), Edgar Allan Poe, citant Francis Bacon, fait dire à son narrateur : « Il n'y a pas de beauté exquise [ . [...]
[...] Dans Le double de Dostoïeveski (1846), le personnage principal, Goliadkine, rencontre son double contre lequel il doit livrer un véritable combat. C'est le cas également du personnage ambigu (au sens propre) du roman éponyme de Robert Louis Stevenson, paru en 1886, où Dr Jekyll est hanté par « son double », personnage sombre et monstrueux, M. Hyde (jeu de mot avec l'anglais « hide », se cacher). Il s'agit là d'une résurgence du mythe germanique du « doppelgänger », une représentation ancienne de l'inconscient. [...]
[...] Dans le célèbre poème La Dame de Shalott (1842) du Romantique anglais Alfred Lord Tennyson, par exemple, le personnage de la « dame-fée » observe le monde extérieur à travers un miroir, dans lequel se reflètent ses propres désirs. Cela n'est pas sans rappeler le miroir magique de la méchante reine, la marâtre de Blanche-Neige dans le conte des frères Grimm (1812), qui est également un symbole du côté sombre de l'être humain, de sa nature inconsciente, à la fois fascinante et inquiétante. [...]
[...] L'étrang(ère)té dans l'œuvre littéraire naît donc, bien souvent, de la confrontation imaginaire entre le sujet et son propre inconscient. Aller à la rencontre de soi-même, c'est oser affronter ce qu'il y a de plus sombre, de plus inquiétant, à l'intérieur de son propre psychisme. Mais c'est aussi quelque chose de fascinant, un acte fondateur, à l'origine des textes littéraires les plus marquants. Le fantôme, le vampire, l'extraterrestre, sont donc des « extériorisations » de nous-mêmes. Ils sont le reflet, comme incarné hors du miroir qu'est la psyché, de ce qui en nous-mêmes nous fascine et/ou nous terrifie. [...]
[...] Dans le conte fantastique éponyme de Guy de Maupassant, publié en 1887, l'étrange créature connue comme « le horla » (le hors-là) - dont le nom pourrait également provenir du mot normand « horsain » signifiant « l'étranger » - quoiqu'invisible à l'œil nu, se dévoile néanmoins dans l'épisode du miroir : « on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace . Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière Mon image n'était pas dedans . et j'étais en face, moi ». Dans ce passage, le narrateur, terrifié, s'aperçoit que l'être fantasmagorique qui le hante a « dévoré son reflet ». Or, qui est donc ce « hors là » si ce n'est le reflet du narrateur lui-même, extériorisé dans le monde réel ? [...]
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