En vous appuyant sur une analyse précise du rôle des confidents, vous montrerez dans quelle mesure les propos de Barthes s'appliquent à Bérénice.
Outre la fonction classique d'interlocuteur attribuée aux Confidents, le Confident racinien aurait, selon Barthes, un intérêt dramatique dans la pièce : il serait « une figure fonctionnelle », « anti-tragique ». En effet, nous voyons qu'au-delà du simple rôle de faire parler leurs maîtres, d'énoncer leurs problèmes, le[s] confident[s] sont encore un intermédiaire entre le monde réel et le monde symbolique des Lois ; ils seraient une « voix de la raison » luttant contre celle de la passion. Dans son texte, à vrai dire, Barthes parle surtout du confident inféodé au héros, mais nous verrons en quoi ses propos peuvent s'appliquer à l'ensemble des confidents de la pièce à un degré plus ou moins important. Nous porterons surtout notre attention sur le cas de Paulin, mais en le mettant parfois, en particulier dans la première partie, en relation avec les autres personnages de Confident. Paulin, en effet, est LE confident qui conserve un intérêt dramatique intéressant, alors que les autres ne servent que d'intermédiaire d'entrée et de sortie, ou de parole. Afin d'analyser cette figure, importante dans Bérénice, nous procéderons de la manière suivante : nous observerons la figure fonctionnelle du confident c'est-à-dire l'anti-tragique et son rapport au héros, puis sa fonction dans le nœud dramatique, et enfin les solutions (ou« alternatives ») qu'il propose.
[...] Sa première fonction, ici, serait donc celle de définir le héros dans le point exact de son dilemme en trois points : tout d'abord rendre public ce problème : en le médiatisant puis l'énoncer, le résoudre enfin. Il a ici une forte valeur informative qui passe par la parole, d'où la notion de dialectique utilisée par Barthes. Nous verrons les sens multiples que peut prendre ce mot dans la suite de l'explication. Dans l'exemple de l'acte II, scène Paulin répond à Titus, au sujet de son mariage futur : N'en doutez point, Seigneur. [...]
[...] Nous pouvons ainsi voir le confident comme la part non tragique du Héros. Ces gaffes, cependant, sont bien souvent les initiatrices de l'ironie tragique : il suffit de regarder l'acte V pour comprendre ce passage de l'anti-tragique au tragique : Arsace vient annoncer à Antiochus que la reine va partir et que Titus la délaisse pour l'Etat. Mais, grand fracas, Titus abandonne l'assemblée pour rejoindre l'amour de son cœur, au grand dam d'Antiochus qui accuse les dieux de rire de ses pleurs.[3] Le second intérêt du Confident classique : son rapport au héros nous montre après analyse du texte de Barthes qu'il permet beaucoup de choses à celui-ci qu'il ne pourrait pas faire en temps normal : avoir un contact avec le monde, raisonner : il le fait sortir de son dogmatisme. [...]
[...] le dilemme n'est pas si simple, puisqu'en prenant une décision, il devra être soit contraire à son cœur, soit à sa raison. C'est cette incompréhension de la part du Confident qui va créer tout l'aspect anti-tragique de quiproquo et de gaffe existant dans la tragédie. Un dernier aspect appuyant le rôle d'opposition que tient le Confident est celui de la compassion : apprenant les déboires de son maître, le confident le plaindra souvent, ou prendra son parti car il ne comprend pas les enjeux humains de la situation, ce qui contribuera à sa déresponsabilisation, et au cautionnement de ses actes futurs. [...]
[...] Deux aspects dominent dans le Confident classique : son aspect fonctionnel et anti-tragique, et son rapport au héros. Le premier nous oblige à insister sur cette image décalée du confident, qui, comme Arsace ou Paulin, est totalement à côté du vrai problème, n'envisageant pas l'amour dans leur raisonnement.[2] Ces personnages montrent qu'ils n'ont rien compris au drame interne de leurs maîtres ; on croit même Paulin sorti tout droit d'un drame cornélien lorsqu'il se félicite de la décision du héros, puisqu'il ne considère la situation que sous un angle héroïque et non passionnel. [...]
[...] Les confidents, en effet, sont très hargneux dans Bérénice, et n'hésitent pas à blâmer leur maître. Barthes n'en parle pas, mais ce point est important justement pour contrecarrer cette idée que le confident n'est qu'un gaffeur anti-tragique. En effet, s'ils sermonnent, c'est qu'ils ont une opinion critique de la situation, ce qui est bien différent de la gaffe. Le point de vue didactique, dont parle Barthes, lui échappe partiellement car il omet de dire que c'est cet anti-tragique qui sert le tragique, comme l'absurde servait à Platon dans sa maïeutique pour tomber sur une idée juste, et c'est le Confident qui nous dévoile la situation tragique, le nœud dramatique. [...]
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