Jusque dans les années 1960, les romans de Simone de Beauvoir, selon Delphine Pierre, aurait été envisagés selon une double perspective : la première, d'ordre éthique, et la seconde, phénoménologique. Elle souligne d'ailleurs que si les essais de Beauvoir - Pour une morale de l'ambigüité, entre autres - sont actuellement « redécouverts » et relus par la critique universitaire et les lecteurs contemporains, peu nombreux sont les liens qui ont été tissés entre eux et sa prose romanesque.
Pourtant, en se référant à Debra Bergoffen, Delphine Pierre constate que ses romans se font les vecteurs de sa position éthique existentialiste - et non moins politique. C'est ce que nous allons voir, au sein de ce compte-rendu, à travers quelques exemples d'oeuvres et des considérations d'ordre théorique. A savoir, d'un point de vue thématique et philosophique : de quelle nature est cette éthique ici questionnée ? Mais aussi formel, du point de vue de l'expression romanesque de cette dernière (...)
[...] A la fin de l'œuvre, la réconciliation entre les deux femmes est impossible : Françoise tue Xavière. On découvre alors les perspectives multiples du roman : l'éthique amoureuse de Beauvoir, cette communion de deux êtres qui sont conscients libres et agissent gratuitement symbolisé par Françoise et Pierre (double fictif de Beauvoir et Sartre), mais aussi la difficulté de se tenir à se choix, la jalousie et la chosification de l'autre qui sont, si ce n'est inévitable, alors présents sur le chemin de Françoise (personnage de Xavière, double fictif d'Olga qui gravita autour du célèbre couple). [...]
[...] Romain Giordan M1 Littératures Françaises Séminaire Roman et éthique (1930-1980) La question éthique dans les romans de Simone de Beauvoir. Jusque dans les années 1960, les romans de Simone de Beauvoir, selon Delphine Pierre, aurait été envisagés selon une double perspective : la première, d'ordre éthique, et la seconde, phénoménologique. Elle souligne d'ailleurs que si les essais de Beauvoir Pour une morale de l'ambigüité, entre autres sont actuellement redécouverts et relus par la critique universitaire et les lecteurs contemporains, peu nombreux sont les liens qui ont été tissés entre eux et sa prose romanesque. [...]
[...] On rencontre ainsi à nouveau, comme dans Les Belles images, l'idée d'une éthique transmise non pas par le biais de l'assénement moral, mais bel et bien par ce que l'on nomme de manière courante une conduite de vie ligne directrice ou matériau fictionnel et message de l'œuvre s'interpénètrent. Autre exemple. Resté dans l'ombre du prix Goncourt 1954 (Les Mandarins), L'Invité apparait pourtant comme particulièrement représentative de cette éthique. Roman intellectuel, existentialiste, esthétisant aussi, traitant d'amour, d'amitié, de jalousie et d'initiation à la vie, L'Invité permet de voir comment la pensée pure prend une coloration romanesque. D'apparence traditionnel, le roman ne s'aventure guère dans les longues analyses psychologiques, ni dans les descriptions détaillées. [...]
[...] Nous nous retrouvons une fois de plus écartelés devant deux idées. C'est sans doute cela la spécificité, dans un sens large, de l'œuvre de Beauvoir, et dans un sens restreint, de l'éthique qui domine sa production romanesque. Le choix qui tiraille est au centre de tout ce qui peut être envisagé : choix de vie, choix littéraire, choix concret ou abstrait. A l'opposé de Sartre dans ses essais mais d'autant plus dans les romans Beauvoir essaye de présenter de réflexions concrètes en prise directe et brutale avec le vécu. [...]
[...] Il participe encore, mais avec détachement, à une révolution du XIXe siècle. Enfin, à notre époque, il essaie de convaincre Régine, une autre des femmes qui se sont attachées à lui, du malheur de sa condition qui le met à l'écart de l'humanité. Œuvre signifiante, donc, au sens strict du terme, Tous les hommes sont mortels entretient des rapports avec l'Histoire, la politique et une dimension morale toute particulière qui sont alors les pivots de l'éthique que nous questionnons. Roman rédigé entre 1943 et 1946 (année de publication), l'œuvre ne pouvait qu'être marquée par la guerre et l'occupation, et la conclusion de l'œuvre, à savoir qu'un homme qui prétend agir sur la totalité de l'univers voit le sens de son action s'évanouir, trouve une résonnance toute particulière face à l'idéologie de l'époque. [...]
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