"Cuers et oroilles m'aportez, car parole est tote perdue s'ele n'est de cuer entandue." Ainsi Chrétien de Troyes invite-t-il ses lecteurs à déceler le sens profond de son œuvre dès l'ouverture de so roman Yvain ou le Chevalier au lion. En quête d'un idéal humain et chevaleresque pour son temps, le clerc champenois du XIIe siècle s'y interroge sur la valeur de la chevalerie dans un monde abandonné au mal, à l'erreur et à l'excès. En guise de réponse, il nous offre un modèle héroïque, synthèse des tendances mythologiques et celtiques dont il est l'héritier. Par une habile composition, il parvient surtout à créer par l'écriture une "harmonie composée de voix diverses, de tonalités variées, quelquefois contrastées, mais hiérarchisées et convergentes, de sorte qu'on peut parler d'une polyphonie dans la conception et dans l'art du roman", selon les mots du critique Jean Frappier.
Il s'agira ainsi d'étudier en quoi la composition de ce roman concilie cohérence de l'intrigue et variété des éléments qui la composent.
Par ce roman, Chrétien nous offre une "mult bele conjointure" harmonieuse et remarquablement construite. Cependant, il y introduit également une recherche raffinée de la variation. Enfin, l'esthétique du miroir multiplie subtilement échos et reflets.
[...] / [ ] En mon cors por coi remaint ame? / [ ] et je, tant con nus me voit, / por quoi m'esparg que ne me (v.3525-3541) La polyphonie énonciative du récit A un autre niveau, la polyphonie et l'oralité du conte permettent de varier les voix, les registres, les tonalités. Chrétien donne la parole à de nombreux personnages qui assument l'énonciation d'un récit, sorte de "conte dans le conte" : Calogrenant raconte sa défaite cuisante, Lunete ses mésaventures, le seigneur qui accueille Yvain comment il est assiégé par Harpin de la Montagne, les jeunes filles de Pesme-Aventure pourquoi elles sont réduites à une vie si misérable. [...]
[...] Cependant, il y introduit également une recherche raffinée de la variation. Enfin, l'esthétique du miroir multiplie subtilement échos et reflets L'art de la conjointure Chrétien donne toute son harmonie à sa "conjointure" par la cohérence de l'intrigue, mais aussi par la fluidité du récit, et enfin par l'unité symbolique qui régit la construction de l'œuvre La cohérence de l'intrigue La structure d'Yvain, récurrente dans l'œuvre de Chrétien, est de type binaire : à l'erreur succède la réparation. Dans la seconde partie de l'intrigue, le héros doit accomplir avec difficulté le chemin qu'il avait parcouru la première fois dans la facilité et l'insouciance, pour obtenir définitivement ce qu'il avait acquis de manière fragile, parce qu'il n'en mesurait pas la valeur et le prix. [...]
[...] Yvain ou le Chevalier au lion est avant tout un appel à l'exaltation de la vie dans toutes ses nuances, et à la foi en l'optimisme radieux de la volonté. Bibliographie Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au Lion, préface, traduction et notes de Philippe Walter, Paris, Gallimard Jean Dufournet, Le chevalier au lion de Chrétien de Troyes : approches d'un chef-d'œuvre, Paris, Champion Jean Frappier, Le roman breton : Yvain ou le Chevalier au lion, Paris, C.D.U Joan Tasker Grimbert, Yvain dans le miroir : une poétique de la réflexion dans le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes, Amsterdam, J. [...]
[...] La composition d'Yvain ou le Chevalier au lion : harmonie, variation et jeux d'échos "Cuers et oroilles m'aportez, car parole est tote perdue s'ele n'est de cuer entandue." Ainsi Chrétien de Troyes invite-t-il ses lecteurs à déceler le sens profond de son œuvre dès l'ouverture de son roman Yvain ou le Chevalier au lion. En quête d'un idéal humain et chevaleresque pour son temps, le clerc champenois du XIIe siècle s'y interroge sur la valeur de la chevalerie dans un monde abandonné au mal, à l'erreur et à l'excès. [...]
[...] Lunete est l'héritière des suivantes complices qui favorisent les entreprises de l'amant, et Laudine se fait la caricature de l'humeur changeante des femmes. Chrétien puise aussi dans la littérature de son siècle : Laudine fait écho à Jocaste, veuve vite consolée du Roman de Thèbes ; de Tristan il reprend la figure de l'ermite Ogrin et la peinture de la vie sauvage. Il multiplie enfin les échos au conte, au fabliau (thème de la "veuve joyeuse"), à la culture biblique et réalise un important travail sur les topoï. [...]
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