" Ce sont icy mes fantaisies, par lesquelles je ne tasche point à donner à connoistre les choses, mais moy" (Livre 2, chapitre 10). Par cette affirmation Montaigne se place en novateur parmi les philosophes de son époque. Le moi devient une matière d'étude qu'il expose dans une œuvre de continuité, ses Essais, composés de trois volumes. En prenant le moi comme sujet d'étude, Montaigne introduit dans le discours philosophique la notion d'empirisme et d'individualité humaine. Ainsi il semble s'exclure de la position démagogique puisqu'il fait de son introspection propre donc subjective, un objet de philosophie. Se considérant comme parmi "les auteurs à bannir", l'auteur ne prétend à aucune autorité et s'exclut donc de la tradition intellectuelle. Marie de Gournay déclarera alors " Ses compagnons enseignent la sagesse, il désenseigne la sottise". Le terme "désenseigner" créé pour l'auteur des Essais nous amènerait donc à supposer que par son introspection Montaigne n'entend pas énoncer un savoir vérace mais peindre les mutations d'un "je" de référence.
[...] L'écrivain-personnage se révèlerait ainsi comme un stimulateur de raison, poussant son public vers la sagesse sans prétendre la montrer, mais en montrant ce qu'elle n'est pas, à travers son moi personnel. Et en ce sens, ne pourrions-nous pas penser que Montaigne invente une nouvelle forme de sagesse ? Au-delà de l'enseignement ou du désenseignement nous pourrions examiner l'œuvre de Montaigne comme une forme inédite parmi ses contemporains. La primauté du moi exposé porterait ainsi l'homme au centre des questionnements philosophiques. [...]
[...] En ce sens, nous pourrions reprendre une formulation d'Auguste Comte : Tout est relatif et cela seul est absolu pour l'adapter à la pensée de Montaigne : tout est incertain et cela seul est certain. Pour conclure, il semblerait que Montaigne s'échappe de la norme de son époque par le fait même qu'il transcende la notion d'enseignement ou de désenseignement en inventant une nouvelle forme de pensée, une nouvelle forme d'écriture qui ne tente pas de démontrer une vérité, mais d'étudier les conditions de l'écriture. [...]
[...] Montaigne affirme d'ailleurs qu'il ne s'adresse pas à un public d'initié, en ce sens un public qui rechercherait une démarche intellectuelle didactique, mais à un public de bonne foi, ce qui sous-entend que la valeur d'honnêteté prime non seulement dans son travail écriture, mais dans ce qu'il attend de son public. Nous pourrions renforcer cette idée de peinture de soi modèle par le fait que Montaigne annonce qu'il souhaite accuser ses imperfections pour en détourner autrui, et il précise ainsi : La sottise est une mauvaise qualité, mais de ne la pouvoir supporter ( . [...]
[...] Ses compagnons enseignent la sagesse, Montaigne désenseigne la sottise Ce sont icy mes fantaisies, par lesquelles je ne tasche point à donner à connoistre les choses, mais moy (Livre chapitre 10). Par cette affirmation Montaigne se place en novateur parmi les philosophes de son époque. Le moi devient une matière d'étude qu'il expose dans une œuvre de continuité, ses Essais, composés de trois volumes. En prenant le moi comme sujet d'étude, Montaigne introduit dans le discours philosophique la notion d'empirisme et d'individualité humaine. [...]
[...] En effet, par le témoignage d'un moi empirique, Montaigne pourrait représenter un modèle à partir duquel s'effectuerait un enseignement contre la sottise et en ce sens un enseignement de sagesse. Ainsi, lecteur, je suis moy-mesme la matière de mon livre (Livre Au lecteur). Montaigne dévoile le caractère récusable des idées qu'il présente, au moins autant qu'un projet d'autoportrait. Et cet autoportrait pourrait bien apparaître comme un autoportrait modèle, comme une peinture du subjectif qui servirait d'exemple au lecteur et lui délivrerait un savoir sur l'homme au sens particulier qu'il universaliserait par un travail de réflexion sur lui-même. [...]
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