La Fontaine est célèbre pour ses Fables, publiées de 1668 à 1694. Successeur des fabulistes latins ou grecs, il s'en distingue par la vivacité de son style et la richesse de sa versification. A sa vocation de moraliste, imitateur des Anciens grecs et latins, comme Ésope ou Phèdre, s'ajoute celle de conteur qui veut divertir ses lecteurs. « Le Villageois et le Serpent » ne fait pas partie des Fables les plus célèbres. L'un de ses intérêts vient de la confrontation d'un homme et d'un animal. Le Villageois et le Serpent illustre ce double talent. Dans cette fable du Livre VI inspirée d'Esope, l'auteur relate avec verve une anecdote campagnarde. Il illustre également une vérité morale en apparence simple, que pourrait résumer l'expression « réchauffer un serpent en son sein ». Par une scène pittoresque, qui offre une observation réaliste des relations entre les deux personnages sur un rythme vif, le fabuliste présente une morale qui n'est pas dépourvue d'ambiguïté et d'ironie.
Comme souvent, La Fontaine, sans s'attarder à décrire les personnages ou le décor, peint en quelques vers une scène animée.
La description réaliste de l'homme et de l'animal tient sa place dans ce court récit, mais reste très discrète. Nous ne saurons en effet sur le temps et le lieu que les éléments nécessaires à la compréhension de l'histoire : les mots « manant » (vers 1) et « villageois » (vers 8) situent l'anecdote à la campagne ; la mention de l'hiver explique l'état lamentable de la bête (les serpents se montrent plutôt l'été). De la maison nous ne connaissons que le « foyer » (vers 11) indispensable au sauvetage et la « cognée » (vers 20) non moins indispensable à la vengeance finale.
La description du serpent montre que l'auteur connaît bien cet animal. Ainsi les vers 15 et 16 présentent une position typique de ce reptile lorsqu'il se sent agressé : la tête relevée vers l'intrus, il siffle, puis prend son élan avant de s'élever pour piquer l'homme. De même, l'auteur a sans doute vu à la campagne des serpents remuer encore durant quelques instants une fois coupés en deux ou en trois : ce phénomène évoqué au vers 23 vient des réflexes qui persistent encore un peu. Des allitérations en [s] et [t] imitent ces mouvements convulsifs : « L'insecte sautillant ».
[...] La succession rapide des contrastes et des ruptures de ton rehausse encore la promptitude de la scène. Le premier contraste thématique est celui du froid et du chaud, de l'immobilité et du mouvement : hiver (vers neige (vers transi, gelé (vers tranchent avec foyer (vers réchauffe (vers chaud (vers tandis que étendu (vers immobile (vers engourdi (vers 13) s'opposent aux verbes d'action du serpent des vers 15 et 16. La rupture de ton est sensible entre le registre plutôt élevé bienfaiteur vers 17 ; juste courroux vers 19 ; ingrat vers 18) et les tournures familières qui suivent Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête Il vous fait vers 20-21). [...]
[...] La caractéristique essentielle de la fable ici est dans la vivacité du rythme et du ton. L'emploi alterné de deux types de vers (treize alexandrins, quinze octosyllabes) produit des accélérations pour les actions les plus spectaculaires : le sauvetage de l'agonisant (vers 11 et 12) et son assassinat (vers 21-22) sont en octosyllabes et tranchent avec la description plus lente, en alexandrins, du serpent évanoui (vers 5-6). Le passage de douze à huit syllabes sert également à mettre en évidence la proximité de la mort N'ayant pas à vivre un quart d'heure vers ou l'échec du serpent Mais il ne put y parvenir vers 24). [...]
[...] Le Villageois et le Serpent illustre ce double talent. Dans cette fable du Livre VI inspirée d'Esope, l'auteur relate avec verve une anecdote campagnarde. Il illustre également une vérité morale en apparence simple, que pourrait résumer l'expression réchauffer un serpent en son sein Par une scène pittoresque, qui offre une observation réaliste des relations entre les deux personnages sur un rythme vif, le fabuliste présente une morale qui n'est pas dépourvue d'ambiguïté et d'ironie. Comme souvent, La Fontaine, sans s'attarder à décrire les personnages ou le décor, peint en quelques vers une scène animée. [...]
[...] Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt, Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père. Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire ? Tu mourras. A ces mots, plein d'un juste courroux, Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête, Il fait trois serpents de deux coups : Un tronçon, la queue, et la tête. L'insecte sautillant cherche à se réunir, Mais il ne put y parvenir. Il est bon d'être charitable ; Mais envers qui, c'est là le point. [...]
[...] Le Villageois et le Serpent illustre l'expression réchauffer un serpent dans son sein qui exprime l'idée que la bonté est souvent suivie d'ingratitude. Le mot réchauffe (vers 12) apparaît d'ailleurs dans la fable, et le foyer (vers 11) symbolise l'intimité du sein La Fontaine ne puise cependant pas seulement son inspiration dans le bon sens populaire, mais aussi dans la Bible, comme l'indique l'abondance des éléments issus des deux Testaments. Le symbole du péché originel contenu dans le serpent depuis l'histoire d'Adam et Ève de la Genèse se greffe au symbolisme animal populaire. [...]
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